Corentin : Le thème de la musique en philosophie est décortiqué et réfléchi depuis des siècles, parfois dans tous les sens. Mais comme le but de la philosophie n’est pas de trouver des réponses, continuons à nous interroger ! C’est ce que fait aujourd’hui Angèle Chatelier en se demandant : est-ce que faire de la musique, c’est nécessairement être musicien ?
Angèle : « Ce n’est pas parce que l’on fait de la musique que l’on est musicien »… Cette très belle phrase, écrite par Pascal Quignard dans l’ouvrage « Tous les matins du monde » nous interroge. Marin Marais en fait les frais dans l’adaptation de ce livre, au cinéma.
(EXTRAIT 1)
A : Il convient dans un premier temps de distinguer deux définitions possibles de ce qu’est la musique. Dans la première, il s’agit de concevoir la musique comme reproduisant un art mathématique, donc lié à la raison. De l’autre, on a la musique comme sensation, comme sentiment, qui se situe donc plutôt du côté de la passion.
C : Ce distinguo raison/passion est à la base même de la philosophie
A : Tout à fait. A partir de ce postulat, voyons ce que veut dire être musicien. Un musicien est celui qui joue ou compose de la musique. Il y a donc d’un côté celui qui reproduit, de l’autre, celui qui crée.
Maintenant, parlons de ce terme « faire » - vous avez l’impression de retourner dans vos vieilles dissertations de philosophie là, non ? A décortiquer chaque terme de la question ?
C : Un peu ouais !
A : Mais c’est important pour comprendre le cheminement de pensée ! Faire, donc, c’est agir. Produire, comme un artisan. Faire de la musique reviendrait donc en ce sens à - comme un menuisier qui construit un bureau -, construire de la musique.
C : C’est d’ailleurs pour cela que l’on peut apprendre la musique
A : Le conservatoire, les gammes interminables, les cours avec orchestre, puis sans. L’apprentissage de la musique peut prendre une vie. En ce sens, la musique pourrait être un art formel. On reproduit la musique, on l’apprend schématiquement, de manière mathématique.
(EXTRAIT 2)
C : Ici on entend un extrait de la chaîne YouTube « les cahiers du pianiste », qui propose des cours de piano en ligne
A : Pas sûre que cela puisse remplacer un ou une professeur mais effectivement, ce que vous venez d’entendre, c’est peu ou prou ce qu’il se passe lorsqu’on apprend la musique.
Mais maintenant, intéressons à la sensibilité, censé être ce qu’on reçoit d’un ou d’une musicienne ou de la musique. Vous avez tous déjà ressenti quelque chose de mystique, parfois, à écouter un morceau. Que celui-ci représente quelque chose dans votre vie ou qu’il vous procure des sentiments insaisissables. A votre avis, cela est lié à votre sensibilité, à la façon dont vous recevez la musique ou parce que celui ou celle qui le joue l’a appris d’une manière mathématique ?
C : C’est assez vertigineux d’y penser. Cela a quelque chose de mystique, effectivement
A : Je vais prendre l’exemple de cet instrument qui est la voix. C’est assez inné de savoir bien chanter. Evidemment, la justesse s’apprend. Mais quelqu’un qui apprendrait de manière mathématique à chanter, ferait-il de lui pour autant un chanteur ?
(EXTRAIT 3)
A : Vous entendez ici l’Ave Verum Corpus K618 de Mozart, interprété par l’orchestre de Munich en 2009. La musique serait alors ce qui touche le coeur. L’apprendre de façon mathématique ne fera pas nécessairement de vous un musicien, plutôt un exécutant. Nous pouvons faire un parallèle ici avec la méthode d’apprentissage Suzuki que certains d’entres vous connaissent peut-être. Elle vient du Japonais du même nom qui part d’un constat : si un enfant est capable d’apprendre une langue natale rapidement, alors pourquoi ne pourrait-il pas le faire avec un instrument ? Parti, Suzuki propose de commencer à jouer très très très jeune, par exemple, de manière acharnée. Comme le disait Thomas lorsqu’on l’en parlait, cela est alors le risque d’en faire des robots de gammes et d’arpèges.
Or, un musicien ne serait-il pas celui qui a la sensibilité adéquate ?
C : Il faudrait alors revoir tout l’apprentissage de la musique
A : C’est le défi que s’est donné l’entreprise Meludia. A travers l’application du même nom, ses créateurs entendent apprendre la sensibilité avant la musique. Comprendre d’abord ce qui nous touche avant d’en apprendre la forme.
(EXTRAIT 4)
A : Apprendre à écouter un son avant de le jouer. Comprendre notre environnement sonore pour mieux l’appréhender. Plutôt que de passer des heures à faire des dictées de son, Meludia propose une approche didactique et sensible de la musique. Partir du postulat que l’on ressent des choses, avant de les apprendre. De nombreux cours sont disponibles et Meludia intervient maintenant dans plusieurs conservatoires, partout dans le monde. L’application est disponible sur toutes les plateformes légales si vous souhaitez comprendre un peu mieux ce qu’on voulu en faire ses créateurs.
La musique s’apprend, la musique s’apprivoise, mais être musicien semble être quelque chose d’inné, lié à notre sensibilité propre, à ce que l’on reçoit et ce que l’on donne. Reste à savoir si la sensibilité s’apprend, gammes par gammes mais ça, je vous laisse juge…
C : Merci Angèle Chatelier, je retourne faire mes gammes de mon côté et vous me direz ce que cela vous procure. A très vite !
Suffit-il de savoir faire de la musique pour être considéré comme musicien ?
Suffit-il de savoir faire de la musique pour être considéré comme musicien ou musicienne ? Qu’est-ce qui fait de la musique un art à part entière ? Est-ce la technicité, ou le supplément d’âme intégré par les compositeurs et compositrices ? À vos dissertations, Angèle Chatelier ramasse les copies dans 4 heures !
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