A la découverte du mystique Sufjan Stevens, nommé pour l’Oscar de la meilleure chanson originale pour « Call Me By Your Name »
Corentin : Il y a des artistes comme ça est des artistes qui déchaînent les passions. Ceux où il est difficile de prendre du recul tant leur musique bouleverse, enchante ou énerve. Mais pour Angèle Chatelier, on ne va pas trop faire de mystère, on est clairement dans le bouleversement et l’enchantement.
(EXTRAIT 1 MYSTERY OF LOVE)
Angèle : Mystery Of Love, ce titre que vous venez d’entendre était nommé cette année aux Oscars dans la catégorie meilleure chanson originale.
C’est celle du doux, pur et magnifique film Call Me By Your Name dont vous a déjà parlé Morgane Giuliani, c’est à retrouver dans le Brunch.
Ce titre a été composé par l’artiste américain Sufjan Stevens, l’un des plus prolifiques de sa génération avec treize album ou EPs sortis entre 2000 et 2015. Il n’a n’a pas remporté le précieux sésame aux Oscar mais il n’en est pas moins tout aussi intéressant de s’intéresser à l’oeuvre toute entière de Sufjan Stevens. Une oeuvre difficile à définir tant sa musique est éparse et constellée.
C : Alors pour comprendre un peu sa démarche, on peut déjà citer le site de son label qui indique que Sufjan Stevens mélange « l’autobiographie, la fantaisie religieuse et l’histoire régionale pour créer des chansons folk de proportions épiques »
A : L’ensemble de son art est un chef d’oeuvre. Cinq minutes de chroniques ne suffiront pas à dévoiler l’immensité de son travail mais je vais vous dévoiler les grandes périodes de sa vie artistique
C : Le fameux « 50 States Project », peut-être ? Pour commencer ?
A : Projet qui est en réalité relié à tous les autres, vous allez voir.
En 2003, Sufjan Stevens sort Michigan, son troisième album studio. Il tente de raconter en musique cet État américain où il est né et a passé son enfance.
Deux ans après, c’est avec son concept-album nommé Illinois que Sufjan Stevens revient nous faire voyager dans un État américain. Pour mieux comprendre l’Illinois, il y a d’ailleurs passé plusieurs semaines. Le but : prendre son poul et sa température (EXTRAIT 2 CHICAGO)
C : C’est alors le début du 50 States Project, cette idée un peu folle de composer un album sur chacun des états des États-Unis d’Amérique
A : Un projet dantesque, fou, que Sufjan Stevens avait annoncé vouloir faire en 2005. Le succès est total : des hordes de fans commencent à suivre l’artiste, à lui réclamer un album sur tel ou tel État. Il est même invité à la Maison-Blanche. Invitation qu’il refusera de peur d’être récupéré.
C : Sauf qu’aujourd’hui, pour beaucoup, Sufjan Stevens a abandonné ce projet
A : Alors, oui Corentin. L’artiste l’a d’ailleurs dit lui-même au Pitchfork par exemple. Que ce projet de State Album était un peu une blague, un « gimmick marketing » pour reprendre ses termes.
SAUF QUE. SAUF QUE.
De fervents fans de l’artiste ont décortiqué certaines de ses oeuvres, persuadé que le reste de son oeuvre, jusqu’à aujourd’hui, et une sorte de continuité du 50 States Project.
C : Déjà, il y a ce que Sufjan Stevens a appelé The BQE
A : La Brooklyn Academy lui demande vers 2009 de composer quelque chose autour de Brooklyn. Ce n’est ni une rue, ni un bar, ni même un musée que Sufjan Stevens choisi mais… une parcelle d’autoroute. Celle qui relie Brooklyn aux Queens.
Pendant des semaines, il filme et compose autour de ce morceau de route.
En est sorti une symphonie et un film de cinquante minutes (EXTRAIT 3 THE BQE)
S’en suivent des albums tous aussi différents les uns que les autres. Un nouvel album de chansons de Noël, des albums faits d’autotune. D’autres résolument plus électro. Le roi de la folk évolue et ne se cantonne pas qu’à un style.. au risque de perdre certains fans de la première heure.
C : En 2015, Sufjan Stevens est de retour avec Carrie & Lowell, son dernier album studio en date
A : Et probablement l’un de ses plus bel opus, unanimement salué par la critique. (EXTRAIT 4 DEATH FOR DIGNITY)
Cet album est un retour aux sources. La folk. Aussi parce qu’il parle de la mort, du deuil. Celui que Sufjan Stevens a dû faire de sa défunte mère.
C’est là où le 50 States Project revient.
Si cet opus n’a pas le nom d’un État il pourrait être quand même un State Album comme en témoigne une enquête réalisée par Slate.
Dans plusieurs chansons, l’artiste cite le meadowlark, l’oiseau mascotte de l’état… d’Oregon ! Il parle aussi de Tillamook ou de Spencer’s Butte, tant de lieux situés au même endroit.
Et, et, tu ne sais pas quoi Corentin ? Dans une interview accordée au magazine britannique Uncut, on apprend que c’est son ami et producteur Thomas Bartlett qui l’aurait empêché de faire de Carrie & Lowell un State album, les chansons présentes étant bien trop personnelles.
C : Pour résumer, Michigan et Illinois seraient deux réels States Album et le projet BQE ainsi que son dernier album Carrie & Lowell en seraient des déguisés.
A : Oui. L’un pour l’État de New-York, l’autre pour l’Oregon.
C : C’est tout de même un truc d’aficionados tout ça !
A : Peut-être. Mais l’idée là est de tenter de comprendre toute l’intensité de Sufjan Stevens. Tout ce qu’il a voulu dire ou faire et des choses qui sont peut-être des choses inconscientes. Essayer de comprendre sa musique et l’entièreté de son oeuvre.
Car c’est vrai que pour le comprendre, cela demande une certaine faculté d’écoute. Sa musique n’est pas toujours facile d’accès. Pendant qu’il composait des albums en solo, Sufjan Stevens a aussi fait des side-projects, différentes collaborations, comme avec Son Lux, par exemple.
Dernièrement, il est revenu avec son projet Planetarium aux côtés de Nico Muhly, Bryce Dessner et James mcAlister. Un concept-album qui s’écoute comme l’on regarderait un tableau et… je ne pourrais que terminer la-dessus (EXTRAIT 5 MERCURY)
C : Merci Angèle de nous avoir permis de connaître un peu mieux Sufjan Stevens. Il était nommé pour la première fois cette année pour son titre Mystery Of Love dans la catégorie meilleure chanson originale pour Call Me By Your Name. Trophée remporté par Remember Me dans le film d’animation Coco ! Merci Angèle, et à bientôt !
Sufjan Stevens, l’homme qui voulait réinventer les États-Unis en musique
Beaucoup d’entre-vous l’aurez découvert grâce à « Call Me by Your Name », film dans lequel on peut entendre ses chansons. Il s’agit de Sufjan Stevens, artiste folk américain aux multiples facettes. Angèle Chatelier va nous en parler avec un enthousiasme non dissimulé.
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