Corentin : La thérapie génique compromise par l’inefficacité de CRISPR CAS 9 sur les êtres humains, ce sont les conclusions d’une récente étude menée par des chercheurs de l’université de Standford.
Bonjour, Laura Aupiais, aujourd’hui tu reviens sur un sujet déjà servi dans le brunch des croissants.
Laura : Effectivement, dans le brunch, je vous expliquais de manière assez générale comment on utilisait la méthode CRISPR CAS 9 et surtout quelles pouvaient être les avancées de la recherche et de la médecine grâce à ça.
Dans le domaine de la thérapie génique pour guérir certaines maladies génétiques comme la myopathie de Duchenne, CRISPR CAS 9 semblait être un atout révolutionnairement indispensable.
Corentin : Mais en fait peut-être pas…
L : C’est en tout cas ce que tend à démontrer la dernière étude sur le sujet. Attention toutefois, il s’agit d’une étude pré-publiée en janvier 2018 qui n’a pas pour le moment été validée par la communauté scientifique. Elle a quand même fait l’objet de publication dans la revue Nature et l’université de Standford.
C’est à prendre avec des pincettes mais ça vaut le coup de tendre une oreille.
Corentin : Pour celles et ceux qui n’ont pas encore repris du rab’, rappelle-nous rapidement ce qu’est le CRISPR CAS 9.
L : CRISPR CAS 9 c’est le nom d’une méthode et d’une protéine d’origine bactérienne capable de couper ou modifier l’ADN.
Elle sert de système immunitaire rudimentaire et elle a pour caractéristique de reconnaître et couper une séquence ADN particulière. Il est ensuite possible pour les chercheurs de modifier cette protéine de sorte qu’elle agisse sur la séquence ADN de leur choix.
En d’autres termes, CRISPR CAS 9, c’est un peu un missile à tête chercheuse.
Et ce procédé existe déjà dans la nature. Une vidéo de l’INSERM publiée en juin 2016 explique le fonctionnement naturel de CRISPR.
[SON 1 - CRISPR/CAS9 : une méthode révolutionnaire - INSERM - 0’15 > 0’43]
Corentin : Et que nous disent les chercheurs de l’université de Standford ?
L : Alors, les scientifiques utilisent principalement deux espèces de bactéries, vous pardonnerez ma prononciation :
Le staphylococcus aureus et le streptococcus pyogene
Ce sont toutes deux des bactéries qui vivent à notre contact. Elles sont plutôt communes mais là où le bât blesse, c’est qu’elles peuvent se révéler pathogène.
Corentin : C’est-à-dire ?
L : Selon cette étude, il existerait chez les humains des réponses immunitaires aux protéines citées précédemment.
40% de la population est colonisée par le S. aureus et 20% des enfants sont colonisés par S. Pyogene à un moment donnée dans leur vie.
En outre, des études ont montré que 100% des adultes possèdent des anticorps contre ces deux protéines.
Ce qui nuit fortement à l’efficacité de CRISPR et donc à la thérapie génique en provoquant au mieux une inefficacité totale au pire une réaction inflammatoire dangereuse.
Corentin : Comment les scientifiques ont-ils procédé ?
L : Pour détecter la présence d’une réponse immunitaire anti-Cas9, les chercheurs ont utilisé du sérum humain de donneurs adultes et de sang de cordon ombilical dans lequel ils ont recherché des anticorps et des cellules immunitaires capables de reconnaître CRISPR-Cas9.
Résultat : sur 22 bébés et 12 adultes, 79% des donneurs possédaient des anticorps anti-Cas9 de S. aureus et 65% possédaient des anticorps anti-Cas9 de S. pyogene.
Le plus contraignant dans cette étude c’est que les scientifiques ont également détecté des lymphocytes T spécifique de CAS9 de S. Aureus chez 46% des donneurs.
Pour rappel, les lymphocytes T ce sont des globules blancs qui ont pour spécificité de détruire les cellules anormales.
Et même s’ils n’ont pas détecté de lymphocyte T anti Cas9 de S. pyogenes (l’autre bactérie), les auteurs de l’étude n’excluent pas qu’elle soit présente à un taux trop faible pour leurs méthodes de détection.
Corentin : Si je comprends bien, le corps peut considérer CAS9 comme une menace et peut créer une réaction, un peu comme les allergies.
L : C’est tout à fait ça.
Une fois la cellule modifiée par CRISPR-Cas9 dans l’organisme, elle pourrait avoir des protéines de surface légèrement différentes et reconnaissables par ces fameux lymphocytes T spécifiques… Qui du coup élimineraient alors les cellules éditées. Ce qui rend la thérapie génique inutile puisque le corps rejetteraient ces modifications et cela pourrait se révéler dangereux pour le patient qui verrait son corps se retourner contre lui.
Corentin : Que préconniseraient les chercheurs ?
L : Les scientifiques lancent une piste à explorer. Celle d’utiliser des protéines qui ne colonisent pas ou n’infectent pas l’être humain.
Ils prônent aussi de modifier les enzymes de CAS9 en laboratoire afin de créer des formes qui n’ont pas de réponses immunitaires pré-existantes chez les êtres humains. Affaire à suivre.
Corentin : Un nouvel obstacle à effacer quoi. Eh bien on sera prêt à te recevoir dès qu’on en saura plus ! Merci Laura, à très vite !
CRISPR-Cas9 : la thérapie génique est peut-être compromise
CRISPR-Cas9, ces fameux ciseaux moléculaires qui devaient nous permettre de procéder à des thérapies géniques d’un nouveau genre, pourrait être plus compliqué à utiliser que prévu. Avec Laura Aupiais, on essaye de comprendre ce qui cloche avec ce qui était pourtant présenté comme la prochaine révolution biomédicale.
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