Thomas : Le 10 avril 2019, la communauté scientifique du monde entier était en émoi. En effet, pour la première fois, l’image d’un trou noir supermassif a été révélée. Pourquoi est-ce aussi important pour la science et notre compréhension de l’univers, on voit ça avec Corentin. Alors Corentin, il est comment ce trou noir ?
Corentin : Eh bien, figure-toi qu’il est noir mon bon Thomas.
T : Ah bah merci pour ce bon mot pas du tout éculé.
C : Bah en même temps c’est vrai Thomas ! Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, commençons par un peu de contexte. Oui, la communauté scientifique a mis les petits plats dans les grands en organisant pas moins de 6 conférences de presse simultanément et un peu partout dans le monde pour dévoiler ladite image. Certaines d’entre elles étaient diffusées en direct sur YouTube notamment.
T : De quoi bien faire monter la sauce sur les réseaux !
C : Absolument ! C’est d’ailleurs pas complètement bête dans l’optique d’intéresser un public un peu plus large que d’habitude sur des sujets aussi pointus. Bref, aux alentours de 15 h 10 heure française, la planète entière découvrait la fameuse image prise par l’EHT, l’Event Horizon Telescope. On écoute Heino Falcke, Professeur à l’université Radboud de Nimègue, aux Pays-Bas qui a eu l’honneur de la dévoiler.
[Extrait 1, 25 sec]
« Il y a 101 ans, quelqu’un a remarqué un flash de lumière. C’était du plasma, projeté depuis le centre de la Voie lactée, révélant la présence d’un trou noir supermassif. Je ne croyais pas que ce trou noir était aussi grand que ce qu’on disait. Jusqu’à ce qu’on voit... ça.
CECI, est le noyau de la galaxie M87.
Et CECI... est la première image d’un trou noir. »
C : C’était donc le « big reveal » de la conférence bruxelloise, organisée par la Commission européenne, rien que ça. Il faut dire que l’Union a mis quelques billes dans le projet. Quant à l’image, eh bien essayez d’imaginer une sorte de gros donut spatial aux tons ocre. Avec en son centre, un disque noir. Mais il faut bien le reconnaitre, l’image est extrêmement floue !
T : Tout ce tintouin pour un pauvre jpg pixelisé ? Bah, alors ils n’ont pas de bons appareils photo à l’EHT ?
C : Évidemment que si ! Ils ont même mieux, puisqu’on qu’ils ont parmi les meilleurs télescopes. Pour être tout à fait précis, l’EHT c’est tout un réseau de télescopes répartis un peu partout sur la planète. Et le principe, c’est de les faire travailler de concert pour observer des objets qui sont extrêmement lointains, a l’instar du trou noir qui nous intéresse. Des quantités astronomiques de données ont été récupérées (on est dans le domaine du pétaoctet là, ça ne rigole plus du tout). Des superordinateurs entrent ensuite dans la danse pour traiter tout ce bazar et finalement restituer une image du trou noir. Ce dernier se situe au centre de la galaxie Messier 87, ou M87. À 53,5 millions d’années-lumière, soit, tenez-vous bien : environ 500 milliards de milliards de kilomètres !
T : Ah oui, ça excuse un peu le manque de netteté de la photo.
C : Ta magnanimité t’honore Thomas. Après, heureusement, ce trou noir supermassif est… eh bien, super massif ! Il mesure tout de même 40 milliards de kilomètres de diamètre.
Néanmoins, malgré cette taille, le défi restait incroyablement difficile à réaliser. Les conférenciers à Washington ont fait une comparaison assez parlante : c’est comme si on essayait de lire depuis Washington la date inscrite sur une pièce d’un centime située à San Francisco.
De plus, un trou noir, c’est tout sauf évident à prendre en photo. En effet, son attraction est si forte que même la lumière ne peut s’en échapper. Le trou noir est, de facto, impossible à voir à l’œil nu. En général d’ailleurs, le moyen le plus facile pour les astrophysiciens de détecter la présence d’un trou noir, c’est d’observer le mouvement des étoiles qui lui tournent autour. Dans l’espace, on ne change pas soudainement de trajectoire sans raison valable ! Si on voit que ça arrive à une étoile, c’est qu’un trou noir est sûrement impliqué.
[Extrait 2, fade in après 15 secondes]
T : Ah ! Black Hole Sun des Soundgarden. Merci, pour ce moment post-grunge, années 90. Bon, tu nous as parlé du défi technique que cette image représente. Tout ça est bien beau, mais qu’est-ce qu’elle nous apporte ?
C : Eh bien, déjà, on peut dire que cette photo restera dans l’histoire. Jusqu’à présent, quand vous voyez l’image d’un trou noir sur internet, dans les livres, ou les films - comme Interstellar où on en observe d’ailleurs un beau - on ne voyait que des vues d’artistes où des simulations. Elles étaient basées sur les modèles actuels de la physique. Principalement la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein. Ces représentations n’étaient donc basées que sur des prédictions. Des prédictions étayées, précises et régulièrement vérifiées ! Mais des prédictions quand même.
T : Et donc ? Est-ce que les prédictions se sont révélées correctes ?
C : Rigoureusement correctes. On ne la fait toujours pas à ce bon vieil Einstein qui avait encore une fois raison. Mais ça ne veut pas dire qu’on sait tout sur les trous noirs, loin de là.
À commencer par le disque qui lui tourne autour et qui est le seul élément réellement visible sur le cliché. Il est composé de gaz et de poussières qui gravitent extrêmement rapidement autour de la singularité et du fameux horizon des événements. Pour rappel, l’horizon des événements, c’est la limite au-delà de laquelle plus rien ne peut s’échapper du trou noir, pas même la lumière.
Et les scientifiques ne savent pas encore réellement comment se forme ce disque ni pourquoi celui de M-87 est aussi lumineux. C’est d’ailleurs ce qui a poussé les chercheurs à observer celui-là plutôt que le trou noir au centre de notre propre galaxie. Le nôtre est beaucoup plus fin et beaucoup plus terne. Pas tip top pour une photo.
Bref ! Cette image va rester dans l’histoire et faire avancer le schmilblick pour plein de scientifiques qui s’intéressent aux trous noirs et à leur fonctionnement. Mais il faut rester humble. Car bien qu’on ait enfin réussi à l’observer pour la toute première fois, le trou noir réserve encore son lot de mystères.
T : Merci Corentin de nous avoir aidés à comprendre les enjeux de ce moment historique pour la science !
C : De rien Thomas. Bon allez, assez de la photo du trou noir. Regarde ça plutôt. C’est les photos de mes vacances au Japon. Là on était à Osaka, et là c’était à Kyoto et là…
T : NAN LACHE MOI
Image de M87* : ça va être trou noir !
C’est une petite image qui a fait grand bruit. Pour la première fois de l’histoire de la science, une équipe internationale a réussi à observer directement un trou noir supermassif à l’aide du réseau de télescope EHT. Corentin nous explique de quoi il en retourne.
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