Avec Bandersnatch, Black Mirror interagit avec le très moyen (90 - 8/01/19)
B : Alors vous avez de la chance, préparez-vous, c’est une chronique interactive. Regardez-bien votre écran, vous pouvez voter présentement sur votre écran. Vous pouvez choisir entre deux options : réponse A, je viens personnellement vous frotter la tête jusqu’à ce que vous capitulez. Réponse B, je vous parler maintenant de math rock pendant deux heures. A vous !
C :C’est pas très gentil ce genre de blagues Benjamin ! Tous ces gens qui viennent de sortir leurs portables pour rien !
B : Écoute, au moins les auditeurs ont un avant-goût de ce qui nous anime aujourd’hui : l’illusion d’avoir un choix. Parce qu’à ce petit jeu là, l’épisode spécial de Black Mirror qui vient de sortir sur Netflix, Bandersnatch, il ne fait pas super bien le travail. Et sinon je suis Benjamin Benoit, je vous souhaite bon réveil.
BANDE ANNONCE 1
C : Black Mirror… Bandersnatch, c’est pas le mec qui jouait dans Sherlock ?
B : Nul ! Zéro sur 20 cette blague ! Non, Bandersnatch est, pour ainsi dire, l’épisode zéro de la cinquième saison de Black Mirror. Je vous rappelle que la chronique de votre serviteur est disponible sur le Brunch. Vous le savez sûrement, l’anthologie de Charlie Brooker dépeint les angoisses technologiques de notre temps… j’attends de pied ferme l’épisode cryptomonnaies, ou celui avec un faux Elon Musk qui veut conquérir le monde.
C : Ah tu sais, tu avais Venom l’année dernière. Ou le film live Sonic en fin d’année. (BRUIT DE PORTE QUI CLAQUE) NON REVIENS BENJAMIN !
B : Bon c’est bien parce que c’est vous. Bandersnatch est un épisode teaser, de transition, pour attendre le véritable groupe d’épisodes, comme Black Chrismas en son temps. Mais vous le savez, Bandersnatch a une grande particularité. C’est une épopée interactive, calquée sur les livres dont vous êtes le héros.
C : Un peu comme Dora l’Exploratrice ?
B : Alors comme si on pouvait interagir en vrai car je vais vous le dire, Dora n’entend pas ce que vous lui répondez, je suis désolé. Et tu crois pas si bien dire, parce que Netflix a déjà testé le processus avec des contenus pour enfants, et ils comptent démocratiser ce procédé. Charlie Brooker n’était pas particulièrement enthousiaste à ce genre de format. Netflix l’a convaincu… sûrement avec une montagne de… bonnes intentions… et le résultat final c’est Bandersnatch, encore une référence à un monstre de Lewis Caroll. Black Mirror adore faire des références, surtout à tous ses épisodes antérieures, toujours sur des petites coupures. Regardez-bien, c’est plus ou moins subtil.
C : Est-ce que c’est bien, Bandersnatch ?
B : Bof !
C : Bon, raconte nous ce que c’est alors.
On y suit le parcours de Stéphan, 21 ans, jeune programmeur en 1984. Ce n’est pas Ready Player One je le précise. Mais Stéphan adore les livres dont vous êtes le héros et programmer des jeux sur ZX Spectrum. De vieux jeux sur cassettes. Il est seul avec son père, dans une situation qu’on devine proche de celle de Bastien dans l’Histoire sans fin. Et Stephan décroche le job de sa vie quand il réussit à pitcher son jeu dans une grosse compagnie de jeu vidéo. Et toi, spectateur, ta manette va vibrer à chaque fois qu’il faudra faire un choix. D’abord ses céréales du petit-déjeuner, puis la K7 qu’il écoutera dans le bus. Et enfin, un vrai choix : doit-il bosser son jeu dans l’entreprise ou le faire chez lui ? Là, il y a un premier véritable mauvais choix qui vous mènera sur une BAD END. Et à partir de là s’amorce une aventure rocambolesque d’une ou deux heures. Même si vous voyez une fin, le jeu va vous balader jusqu’à ce que vous puissiez voir toutes les conclusions principales.
EXTRAIT 2
B : Et c’est vraiment pas génial. Quelqu’un n’ayant jamais joué à une fiction interactive comme tout ce qu’à pu faire Telltale avec The Walking Dead ou The Wolf Among Us seront plus généreux avec ce jeu. Les autres verront… je veux pas dire la supercherie, mais l’impossibilité de porter le projet à une trop grande ambition est peut-être plus juste. Vous remarquerez vite qu’il y a deux points nodaux dans l’histoire, qu’on vous y ramène tout le temps, et que les différentes intrigues partent toujours de là. Des intrigues vraiment improbables : il y a un bad trip, des défenestrations, des cadavres découpés en morceaux, et un remake de l’effet Papillon. Ca va loin, même pour Black Mirror ça sort un peu de nulle part, c’est pas super bien articulé, parfois un peu forceur. Je suis un petit peu bougon.
C : Mais c’était impossible à réussir comme exercice, non ?
B : Je le crois aussi. Cet épisode donne l’impression que Brooker n’était pas très investi dans l’exercice… et qu’il était plus occupé à faire des références à sa mythologie plutôt que de l’étendre avec brio. Bandersnatch s’éparpille, veut trop en faire. Y’a une passage méta gag à un moment, c’est vaguement rigolo mais ce n’était pas trop la peine de perdre de l’énergie dessus, si tu me demandes mon avis… OH PAS DE BOL C’EST MON MÉTIER CA ALORS.
EURYTHMICS
B : Tout est transparent dans Bandersnatch. L’illusion du choix, tu la vois. Tu sais quand ça n’a pas d’importance. La pauvreté du script, tu la vois aussi. On peut adhérer au délire, et les acteurs y donnent du leur. On peut noter la présence de Will Poulter et sa tête incroyable. Sinon, allez-y, faites-vous une idée, ça ne vous prendra que deux heures de votre temps et vous pourrez passer à autre chose. Et pour le coup, c’est pas très cinématographique, vous pouvez vous amuser à faire ça dans votre bain. Puis vous allez ruiner votre portable en le touchant toutes les cinq minutes.
C : C’est l’épisode Bandersnatch de Black Mirror, c’est disponible sur Netflix, et ça se joue avec tous les navigateurs du monde, du moment que vous ne le faites pas avec un appareil antédiluvien. Et c’est pas fantastique… on espère que la saison complète sera bien meilleure. Merci Benjamin !
B : Mais de rien. On a tous bien interagi avec la déception.
Avec « Bandersnatch », « Black Mirror » interagit avec le très moyen
« Black Mirror » est connu pour ses épisodes inquiétants aux concepts forts. Cette fois-ci, c’est surtout sur la forme que la série de Charlie Brooker cherche à innover. « Bandersnatch », c’est le nom de cet épisode spécial, est en effet un film interactif dans lequel c’est au spectateur de prendre les décisions à la place du protagoniste. L’expérience est-elle réussie ? Avec Benjamin Benoit, nous verrons que s’il y a un tour de force technique, tout le reste relève malheureusement d’une certaine médiocrité.
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