PANIC - Part 1
Corentin : DANGER ! DANGER ! Éteignez votre portable ! Enfin… juste après votre édition des Croissants, bien entendu. J’accueille Benjamin Benoit qui a regardé pour nous la nouvelle saison de Black Mirror, série d’anticipation technologique. Salut Benjamin.
Benjamin : Salut Corentin ! Alors oui, aujourd’hui je vais jouer au prophète, car ouhlala, la technologie va nous manger. C’est très très en substance le message de l’anthologie Black Mirror, écrite par l’anglais Charlie Brooker. Les deux premières saisons ont été diffusées en 2011 sur la chaîne Britannique E4, et Netflix a repris la chose fin 2016 à partir de la troisième saison pour six épisodes. C’est la quatrième qui vient de sortir.
Et comme la technologie définit nos vies, la série est particulièrement attendue et commentée. Alors Corentin, définition d’une anthologie ?
C : Les épisodes ne sont a priori pas connectés. Chacun déroulent une histoire différente.
B : Exactement, comme The Twilight Zone en son temps, on retire l’angle technologique constant mais les ressemblances sont frappantes. Notamment ce gout de la chute noire et souvent ironique car Charlie Brooker est un fieffé coquin. Chaque épisode distille une angoisse de notre temps. La quête des cinq étoiles, appliquées à l’individu ? Ça nous rend dingue. Avoir accès à tout notre historique visuel nous rend dingues et paranos, etc. La saison précédente s’est magistralement conclue sur une enquête policière à base de hashtag tueur…
La constante ? Tous les épisodes sont juste projetés dans un futur proche. D’ailleurs, dans 4 histoires sur 5, ils tournent autour d’un bout de métal qu’on se colle sur la tempe, toujours avec un usage différent !
[BANDE-ANNONCE]
C : Et maintenant, défi ! Benjamin, tu dois résumer les six épisodes en moins de trois minutes.
B : OK ! USS Callister est le meilleur épisode du lot. Cette parodie rigolote de Star Trek adresse les relations toxiques au travail et dénonce subtilement les auteurs qui maltraitent leurs personnages… ou qui s’insèrent mollement dans leurs oeuvres via un personnage parfait, donc nul. Là où cet épisode devient très fun, c’est quand cette fausse aventure de space opera en devient vraiment une.
Arkangel, réalisé par Jodie Foster, parle d’une maman qui panique une fois après avoir perdu sa fille cinq minutes, et va lui injecter une puce expérimentale pour voir, sur une tablette, tout ce que la gamine voit. Un épisode évident. Au déroulement évident. Le genre d’épisode vraiment en-dessous où tu te dis « OUAIS. SANS BLAGUE ».
Crocodile, tourné en Islande (coeur avec les mains) est une bonne vieille histoire d’accident qu’il va falloir couvrir avec un autre. Puis un autre. Puis un autre… une escalade bientôt disrputée par une agent en assurance qui peut littéralement fouiller et voir vos souvenirs avec son appareil. Bien rodé. Bien interprété. Bien noir. Un petit peu gratuit vers la fin.
C : Et là, on se rend compte que c’est littéralement un épisode réussi sur deux.
B : Hang The DJ est le plus topique. Un peu comme un épisode de South Park, son sujet est plus précis. Il parle, en substance, du dating et de Tinder, dans une version où la durée de vie d’un couple serait définie à l’avance… et étrangement encadrée par des gorilles munies de tasers. Plutôt rigolo, sa conclusion fout un peu tout par terre…
Metalhead prend le parti du noir et blanc pour illustrer une course-poursuite géante entre un robot tueur et une femme. Je vous dit pas qui gagne… mais on est dans Black Mirror. Le robot est clairement inspiré des créations de Boston Dynamics, aux mouvements trop fluides et humains, donc dérangeants. Très réussi, assez technique, vraiment superbe.
Et enfin, Black Museum joue le rôle de l’anthologie dans l’anthologie, où une femme visite un musée étraaaange guidée par un hooooomme étraaaange aux histoires qui font peuuuuuur. BOUH. Tentative honorable de changer la donne mais là on quitte l’anticipation pour l’épisode de Chair de Poule pour adultes. C’est pas déshonorant, juste un poil raté.
C : Ok, donc c’est vraiment littéralement un épisode sur deux, on ne peut pas faire plus en dent de scie.
B : Et ça c’est mon avis, mais tout le monde s’accordera sur l’inconstance globale de cette saison. Malgré tout, même dans le pire, Black Mirror offre toujours un effort de réalisation et de construction. Les meilleurs épisodes peuvent être plus philosophiques ou vraiment se concentrer sur quelque chose de précis. Avec une telle diversité de genres, je trouve toujours la série de grande qualité.
C : Mais franchement, ça ne manque pas de subtilité tout ça ? J’ai déjà entendu dire : « Black Mirror, c’est la série écrite par nos parents ».
B : Je vais te raconter une petite anecdote perso. Le 7 janvier 2015, Charlie Hebdo jour J, ma maman que je salue a soudainement fait preuve d’une grande acuité numérique et m’a dit par texto « fais gaffe à ne pas twitter n’importe quoi ». C’était le meilleur conseil ever. C’EST VRAI que Brooker prend un peu parfois ce rôle paternaliste, mais voici la distinction. Il ne fait pas la morale, il lui arrive de poser des évidences. Du genre : « littéralement capter le regard et la vision de vos gosses va tuer votre communication ». Oui, sans blague.
C : SANS BLAGUE !
B : Quelqu’un ayant une véritable connaissance du monde des technologies fait des épisodes entiers construits autour d’une morale nettement moins subtile qu’un texto de ma mère.
[PANIC 2 (extrait + BED)]
B : Et c’est un faux procès, je trouve. Black Mirror, comme toute anticipation, projette nos angoisses. Il ne se pose jamais en prophète, juste en conteur d’histoires. Black Mirror, ce sont des creepypastas, les histoires d’horreur du web. A aucun moment je ne le trouve pontifiant dans sa démarche, sa série a juste des problèmes d’inconstance et de lourdeurs. Mais bon, même dans les épisodes que vous n’aimez pas, vous pourrez toujours jouer au jeu du « dans quelle autre série j’ai vu ce personnage », il y a de quoi s’occuper. Black Mirror 4, c’est sur Netflix, c’est globalement approuvé.
C : Ok, c’est noté ! Merci Benjamin ! Mais retournons à notre monde réel et actuel, quand même, je commence à frissonner un petit peu. À la prochaine !
B : C’est ça. En attendant la saison 5 où on minera des cryptomonnaies en respirant !
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