Corentin : La saison 3 de la série animée “Rick and Morty” s’est récemment terminée aux Etats-Unis. Pour beaucoup de ses fans, c’est un immense vide, mais pour Marie Turcan, c’est un grand soulagement. Mais pourquoi donc, Marie ?
Marie : Ecoute Corentin c’est bien simple, je revis depuis deux semaines.
C : Mais enfin !
M : Je vais tout vous expliquer, à toi et nos chers auditeurs. Pour résumer : vous m’avez tous gâché Rick and Morty.
C : C’est pas très sympa…
M : C’est évidemment un “vous” collectif. C’est le public, les marques, les pubs, et même les scénaristes.
C : Alors commençons par le public.
M : Au départ, c’est une pulsion plutôt primaire : on apprécie jamais quand une oeuvre que l’on pensait avoir découverte en premier devient ultra populaire.
C’est ce qu’il s’est passé pour moi : de plus en plus de mes contacts ont commencé à la regarder et à en parler sur les réseaux sociaux, au point de me rendre SUPER VENER.
C : Ok mais pourquoi tant de haine, Marie ?
M : Déjà, parce que Rick and Morty, c’était ma série doudou. En décembre 2013 quand elle est sortie, elle était ultra confidentielle, et rares étaient les médias français qui avaient écrit dessus.
Je tiens à préciser que cette chronique n’a absolument pas vocation à couvrir de honte les personnes qui découvrent tardivement un film ou une série. Ni de me mettre en avant en clamant “je la connaissais avant vous nananère”.
Etant fan de séries animés, j’étais de base obligée de m’intéresser à ce nouvel ovni de la chaîne Adult Swim.
En plus, j’apprends que c’est Dan Harmon, le créateur de la série complètement folle Community, qui sera aux manettes. Toutes les conditions étaient réunies pour que j’en tombe amoureuse.
C : Et puis c’est le coup de foudre immédiat.
M : Coup de foudre immédiat. C’est drôle. c’est fin et gras en même temps. C’est la dépression de Dan Harmon et les blagues de pets de Justin Roiland, son co-scénariste. Rick & Morty s’empare des codes de la série animée classique (tu as une famille dysfonctionnelle, des épisodes unitaires) et fait tout exploser à grands coups de réflexions métaphysiques entremêlées de blagues pop.
Par exemple, on ne peut pas passer à côté de la chanson “time to get schwifty” que Rick chante pour faire partir des extraterrestres qui menaçaient de tout détruire si la planète ne lui montrait pas “ce qu’elle avait dans le pantalon”.
Saison 2 épisode 5
https://www.youtube.com/watch?v=4ctK1aoWuqY
Ou encore cette chanson aussi poétique qu’absurde du personnage subtilement appelé “Pet”, qui est complètement un hommage à David Bowie :
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https://www.youtube.com/watch?v=TgqiSBxvdws
Moi je pensais que les “MoonMen”, ils n’étaient rien qu’à moi . Je regarde Rick and Morty seule chez moi, je me repasse des morceaux, j’analyse les clips. Et maintenant, tout le monde fait pareil, et ça m’angoisse.
C : Ok, mais ça veut dire que les gens apprécient aussi la série, c’est plutôt bon signe...
M : Mais oui, en vrai, je ne peux pas en vouloir aux gens d’être enthousiastes. Mais d’une, je ne vois que des mecs en parler. Ils se taggent entre eux sur des posts facebook, se font des clins d’oeils appuyés sans arrêts, se balancent des références n’importe comment... Ça me donne une impression bizarre, comme si je les entendais dire “c’est une série animée, c’est sur des geeks, alors c’est pour nous, pas pour toi.”
Ce sentiment, je le ressens d’autant plus que plusieurs femmes scénaristes sont arrivées aux manettes de cette saisons 3, et elles se sont TOUTES faites harceler par des hommes. Des fans fous (c’est plus marrant à dire qu’à subir) qui n’ont pas supporté que des femmes touchent à ce qu’ils considèrent être “leur” série, et qui feraient évidemment moins bien que les hommes.
C : Du coup, tout est de la faute des fans de la série ?
M : Non, ce qui m’ennuie plus généralement, c’est que Rick and Morty soit devenue BANKABLE. Entendre, dans un tout aussi mauvais français : c’est une grosse machine à buzz.
Ça a commencé par les Stickers Facebook Rick and Morty. Puis les pubs pour les T-shirts floqués sur mon fil d’actu. Puis les mauvais détournements de mèmes qui n’ont plus aucun sens. Puis McDo qui tente de surfer sur la vague et rééditer sa “sauce Szechuan” que Rick and Morty ont remis au goût du jour dans un épisode, et qui se retrouve débordé par le nombre de fans énervés qui voulaient y tremper leurs nuggets. Il y a même une parodie porno de Rick and Morty, Corentin !!!
Jpp, comme disent les jeunes.
C : Ok, mais tout ça n’a pas grand chose à voir avec le fond de la saison 3...
M : En fait, tout est lié. Ils ont réussi à s’immiscer jusque dans la narration de la série. A présent qu’il y a une base solide de spectateurs et spectatrices, qu’on qualifiera poliement de “plutôt intenses”, la série joue de plus en plus à se regarder le nombril. Les ficelles sont plus grosses — c’est censé être drôle, mais ça en devient épuisant — , les blagues parfois redondantes.
Avant, les mondes parallèles et les espaces-temps infinis faisaient réfléchir, maintenant, ils font juste sourire.
Attention, j’ai toujours aimé qu’une série reconnaisse l’existence de son public et fasse des blagues méta. Mais ça ne devrait pas être une excuse pour devenir paresseux. Rick and Morty, je t’attends au tournant pour la saison 4. Que je regarderai coupée du monde pendant 2 mois.
C : Bonne résolution Marie. Rick and Morty ça se regarde sur Adult Swim si vous avez la chance d’habiter aux Etats-Unis et les anciennes saisons sont disponible sur Netflix. À la prochaine Marie !
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