ABBA ne s’est jamais séparé. Après 1982, le groupe a juste cessé de faire de la musique dans son studio de Stockholm. Les deux couples formés d’un côté par Frida Lyngstad et Benny Andersson, de l’autre par Agnetha Fältskog et Björn Ulvaeus, ont éclaté entre 1979 et 1981, tandis que l’alcool pourrissait leur vie faite de tournées effrayantes et de harcèlement médiatique. Ce sont les années sombres d’un groupe qui mettait la lumière au centre de toutes ses chansons, marquées par des succès légers comme Voulez-vous autant que par les acrimonieux SOS et The Winner Takes It All. Puis il y a eu ce dernier album de l’époque, The Visitors, où les quatre membres d’ABBA apparaissent le plus éloignés possible sur la pochette, dans une pénombre sépulcrale.
Mais ces divorces, ce n’était pas le plus compliqué à gérer. Non, ce qui avait vraiment changé, c’était le monde de la musique. À partir de 1977, le gigantesque succès commercial de La Fièvre du samedi soir a déclenché un phénomène de rejet du disco auquel ABBA s’est retrouvé associé. Un mouvement de balancier s’est enclenché, d’un côté vers le rock à guitares hurlantes (le punk, Van Halen…), de l’autre vers une nouvelle pop synthétique personnalisée par Michael Jackson et son Thriller de 1982. Il suffit d’écouter The Visitors, sorti un an avant presque jour pour jour, pour comprendre que le changement d’ère musicale qui s’est joué alors était d’une magnitude approchant celle de la fin des dinosaures. ABBA avait fait son temps.
Frida, toujours la plus indépendante, a acté la fin de l’histoire en revendant ses parts de Polar Music, le label qui a diffusé tous les albums du groupe, avant de partir pour Londres.