Il y a quelque chose de l’arrivée de King Kong dans chaque nouvelle audition d’Alexandre Benalla. « Baam… Baaam… », font ses pas résonnant depuis une sombre jungle élyséenne où grouillent de mystérieux conseillers, des passeports diplomatiques usurpés et des armes louches. « Baam… Baaam… », font les pas d’Alexandre Benalla dans le lointain bien avant qu’on voie le bonhomme débouler en vrai. Et puis le voilà. Le costume est toujours bleu marine, mais plus sombre que lors de sa première audition devant la commission d’enquête du Sénat, le 19 septembre 2018. Les fines lunettes sont identiques, la montre toujours aussi maousse, la cravate d’un motif approchant mais cette fois, le menton et les joues sont glabres. Les biscoteaux semblent avoir un peu de mal à rentrer dans la veste. Et il s’est coiffé d’une invisible coquille d’œuf, celle de Caliméro. Car on attendait Benalla, le retour du fils de la revanche, Benalla balançant tout et tout le monde après s’être fait lâcher par l’Élysée mercredi dernier, et on a le poussin noir du dessin animé, clamant que « C’est vraiment trop inzuste ».
Voilà un brave type qui, le 1er mai 2018, défend les forces de l’ordre contre des « délinquants », « des lanceurs de bouteilles en verre contre des policiers » et on le fait passer pour un « tabasseur de gentils manifestants ». Inzuste. Et voilà ce brave type victime de « pseudo-révélations », d’un « lynchage en règle », d’un « déferlement médiatique », d’un « déchaînement politique », qui aboutit à la « construction d’un personnage, d’un individu [spéciale dédicace à Patrick Strzoda, directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, qui l’a ainsi qualifié, la semaine dernière devant la même commission] sulfureux, diabolique, infréquentable. » Vraiment trop inzuste.

Tout de même : « J’ai pu donner une mauvaise image de moi », admet Alexandre Benalla. « Derrière la carapace, il y a un homme, sa femme, son fils qui avait un mois et demi, […] une situation professionnelle et personnelle assez troublée qui ont fait que j’ai commis un certain nombre d’erreurs. » Ce nombre-là, il est effectivement certain et Alexandre Benalla le cite de lui-même : 23. Alors que, la semaine dernière, Patrick Strzoda évoquait l’utilisation frauduleuse de passeports « presque une vingtaine de fois », l’ancien chargé de mission de l’Élysée précise : « 23 fois exactement. » « Je reconnais une erreur », dit-il. Bon, 23 erreurs, en fait.
Mais c’est bien la seule erreur qu’accepte d’endosser Alexandre Benalla.