Loin du 36 quai des Orfèvres et du Palais de Justice de Paris, où policiers et magistrats traquent toujours l’assassin au visage grêlé de Cécile Bloch le 5 mai 1986, Ingrid, une petite fille du même âge, 11 ans, croise huit ans plus tard la route d’un criminel au fin fond de la Seine-et-Marne.
L’inspecteur Bernard Pasqualini a quitté la crim’ depuis trois ans pour suivre ses études de commissaire sans avoir résolu l’affaire de la petite Bloch qui lui tenait tant à cœur. Il a été remplacé, sur ses conseils, par Odile Fairise, la première femme flic de la brigade, discrète et opiniâtre. Jean-Louis Huesca, son ancien adjoint, a pris la tête d’un autre groupe, et, en ce début d’été 1994, il part lui aussi rejoindre l’école des commissaires. Les « vaines recherches » du meurtrier pédophile à la peau cabossée ont conduit le troisième juge d’instruction, Jean-Pierre Getti, à clôturer le dossier d’assassinat de Cécile Bloch, le 9 avril 1993, par un non-lieu. Motif : « auteur non identifié ». Seul, sans avocat, Jean-Pierre Bloch, le père de la fillette, qui a perdu sa femme en janvier 1989, « tuée dans un accident de la route par une chauffarde », n’a pas été informé de ce « classement sans suite ». Depuis le viol de Marianne, 14 ans, chez elle à Paris, le 27 octobre 1987, (lire l’épisode 3, « Le Grêlé a encore frappé ») par un faux policier en saharienne kaki, armé et équipé d’un talkie-walkie, les enquêteurs n’ont pas retrouvé la trace de ce criminel en série.

Mais le 29 juin 1994, un homme agresse une fillette en rase campagne. Ce mercredi ensoleillé, Ingrid joue avec ses copines sur un terrain en friche du côté de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) où habitent ses parents. Ils sont tous deux d’origine guadeloupéenne, et agents de la SNCF. Sa mère lui a interdit de passer par la cité désaffectée des cheminots. Mais, pour une fois, la petite fille sage désobéit et s’aventure à vélo sur le chemin de l’Abîme qui longe la voie ferrée. En cette après-midi de congé, l’écolière porte une jupe et un haut bleu marine à pois blancs. Elle pédale seule sous un soleil de plomb pour rejoindre ses amies qui l’attendent au pied d’un pont de la SNCF. Il est 14 heures. Une voiture blanche arrive en face d’elle et s’arrête à son niveau. Le conducteur demande à la gamine :