Il était 1 h 50 du matin. C’était l’heure du déjeuner. C’était en fin de journée. Tous ont reçu un appel. À des heures différentes, mais au message identique : se rendre rapidement à l’aéroport, n’emporter qu’un seul sac, un pull, de l’eau et de la nourriture. Des cinq Afghans aujourd’hui réfugiés en France que suivent Les Jours (lire l’épisode 1, « 7 000 km plus tard, Kaboul ne s’efface pas »), Mursal Sayas, la militante des droits de l’homme, est la première à recevoir le coup de fil, dans la nuit du 19 au 20 août. Elle se lève. Prend une douche. Tout est prêt. Dans l’après-midi précédente, elle a déjà tenté de rejoindre l’aéroport Hamid-Karzai, à une dizaine de kilomètres de chez elle. En vain. Cette nuit-là, son frère conduit et sa mère prend place dans la voiture. Au passage, ils récupèrent son amie Nabilla, journaliste pour la chaîne d’info afghane Tolo News. « Ma mère était là. Au cas où on se faisait arrêter, nous aurions dit que nous l’emmenions à l’hôpital. » Ses deux enfants ? Son mari en ayant la garde à la suite de leur divorce, elle leur avait dit au revoir avant sa première tentative. « J’avais expliqué à mon fils de 5 ans que si je restais, les talibans ne me permettraient plus de sortir de la maison. Que je ne pourrais plus aller avec lui en pique-nique, que je ne pourrais plus le conduire en voiture. Il a compris et m’a juste répondu : “J’aimerais tant que tu aies l’âge de ma petite sœur.” »
Mursal et Nabilla arrivent à 2 h 30 du matin aux abords de l’aéroport de Kaboul.