D’Alger
Concert de klaxons, drapeaux à la main, youyous depuis les balcons pour celles qui n’ont pas pu sortir. Ce lundi soir à Alger, la fête a pris en quelques minutes. « Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi », écrit le président algérien Abdelaziz Bouteflika dans une lettre adressée au peuple et diffusée en fin d’après-midi. Il y annonce notamment son retrait de la prochaine élection présidentielle. Historique. La capitale algérienne, qui a abrité des manifestations populaires exceptionnelles ces trois dernières semaines (lire l’épisode 1, « L’Algérie de se voir si belle »), a immédiatement vu ses rues se remplir de manifestants, sortis pour fêter cette « victoire ».

« On ne s’attendait pas à avoir une réaction pareille aussi rapidement. Le fait de savoir qu’on a réussi à se faire entendre, par le biais de manifestations pacifiques, et à les faire renoncer à un cinquième mandat, c’est juste magique », se réjouit Sarah, qui célèbre dehors et en famille cette annonce. Un peu plus loin, Samy explique être sorti à l’instant où il a appris la nouvelle, aux alentours de 18 heures. Avant même d’avoir pris connaissance de la totalité de la lettre du Président, avoue-t-il. « Vendredi dernier, on chantait “Bouteflika, tu n’auras de cinquième mandat” et aujourd’hui, il renonce. Donc c’est normal de fêter ça, on a gagné ! », revendique-t-il, euphorique.
Mais cet enthousiasme n’est pas partagé par tous et certains manifestants tiennent à le faire savoir. « Nous exigeons un changement radical du système, non un changement de marionnettes », exige une pancarte, fraîchement préparée à quelques mètres de là. Pour Yacine, maçon rencontré lors de la manifestation du 8 mars et joint par téléphone, le bilan est mitigé. Il a refusé de gagner la rue pour exprimer sa joie : pour lui, elle n’a pas lieu d’être. « Pourquoi sortir ce soir ? Les gens qui sont contents n’ont rien compris. Le chemin est encore long et nous n’avons encore rien gagné », tranche-t-il.
La raison du scepticisme de ces (non) manifestants ? Les conditions du recul d’Abdelaziz Bouteflika. Car le Président annonce dans sa lettre le report de l’élection présidentielle, prévue jusqu’ici pour le 18 avril. Sans fixer de nouvelle date. Le texte précise aussi que Bouteflika restera à la tête de l’État jusqu’à l’élection d’un nouveau chef de gouvernement et qu’il sera responsable de la transition.

Des termes qui ne passent pas auprès de beaucoup d’Algériens.