D’Alger
Les rues silencieuses se réveillent doucement en ce vendredi matin, jour de congé hebdomadaire en Algérie. Dans le quartier du Telemly, proche du centre-ville d’Alger, la plupart des commerces sont fermés et les passants se font rares. En cette heure matinale, le calme ne laisse pas présager que dans quelques heures cette rue sera foulée par des milliers de personnes. Et pourtant, les policiers déjà en tenue sont bien conscients de ce qui les attend aujourd’hui. Le regard vide et la tête baissée, ils semblent absorbés dans leurs pensées. Aujourd’hui, l’Algérie vit son quatrième vendredi de mobilisation, avec des manifestations populaires qui s’opposent au gouvernement de Bouteflika : le renoncement du Président à briguer un cinquième mandat ne change rien (lire l’épisode 2, « Bouteflika recule, l’Algérie fait un pas »).
À l’intérieur d’un bâtiment à quelques mètres du morose cordon de police, l’ambiance est aux antipodes. De l’extérieur, musique et discussions joyeuses parviennent aux oreilles des passants. Difficile de croire que ces deux catégories de la société se préparent au même événement. Dans ce local d’une quinzaine de mètres carrés, une dizaine de jeunes hommes et femmes s’affaire. Âgé de 20 à 32 ans, ce groupe d’amis a choisi ce lieu pour préparer les manifestations qui sont devenues systématiques depuis le 22 février (lire l’épisode 1, « L’Algérie de se voir si belle »). En bruit de fond, la dernière chanson du rappeur algérien Soolking, Liberté, qui n’est sortie que la veille mais qui connaît déjà un franc succès.
Femmes, hommes, étudiants ou travailleurs : notre groupe d’amis se base sur la diversité. Même si on vient de milieux différents, on a tous le même objectif : ouvrir une nouvelle page de démocratie.
À l’origine destiné aux rassemblements d’un parti politique, ce lieu est devenu un endroit de partage sans obligation d’appartenance à un mouvement précis, explique Rami, membre du groupe et étudiant en droit. Le jeune homme n’a que 21 ans mais il explique être le « porte-parole du groupe » : « Femmes, hommes, étudiants ou travailleurs : notre groupe d’amis se base sur la diversité. Même si on vient de milieux différents, on a tous le même objectif : ouvrir une nouvelle page de démocratie », ajoute-t-il. Pour appuyer ses propos, il montre du doigt deux femmes, juste derrière lui. L’une d’entre elles porte un jilbeb et discute avec son amie qui vient d’écraser sa cigarette. Rami et ses amis sont fiers de la tolérance et de la diversité apparente de leur groupe. Hommes et femmes se mélangent sans difficulté et travaillent ensemble pour se construire un meilleur avenir.

Chaque vendredi, ces jeunes se retrouvent et organisent des débats et des ateliers d’écriture de slogans.