Un produit local, c’est parfois d’abord une façon de le manger. Prenez le cornichon. En France, on l’apprécie fin et conservé dans du vinaigre, alors qu’ailleurs sur la planète, on l’aime dodu dans de la saumure. Cocorico, c’est aussi dans l’Hexagone que le long travail de sélection du légume a été mené. Car, rappelons-le, ce qu’Homo Sapiens appelle communément « cornichon » est en fait un cucumis sativus, un concombre. Ou, plus précisément, des variétés de concombre qui ont été choisies par des générations de cultivateurs pour leur goût original quand elles sont récoltées à l’état immature.
Le lien entre le cornichon et la France est tel que certaines variétés en tirent des noms bien de chez nous, comme le fin de Meaux, le vert de Massy, l’amélioré de Bourbonne ou le vert petit de Paris. Inutile pourtant d’aller à Bourbonne (Haute-Marne) ou à Meaux (Seine-et-Marne) pour y chercher des cornichons. La culture s’y est effondrée comme un peu partout en France, avant de se concentrer dans l’Yonne au cours du siècle dernier. Au début des années 2000, ne restaient qu’une vingtaine de cultivateurs encore en activité, travaillant tous pour un seul transformateur : l’usine Amora Maille d’Appoigny, dans l’Yonne. Cet établissement racheté successivement par Danone et Paribas Affaires a finalement été délocalisé en Inde en 2009 par sa dernière propriétaire, la multinationale Unilever. Pourquoi ? Dans le documentaire