Le 9 décembre au soir, alors que le concert parisien d’Anna von Hausswolff allait se jouer en secret ailleurs, deux dizaines de personnes sont venues camper pour l’image devant l’église Saint-Eustache des Halles. C’est là que devait se tenir à l’origine le concert de l’organiste metal, déjà annulé deux jours plus tôt à Nantes après une mobilisation violente de catholiques intégristes (lire l’épisode 2, « Concert annulé : le public renvoie les censeurs au tribunal »). C’est donc là que sont venus se montrer, à destination des relais extrémistes avant tout, des membres de Civitas, mouvement catholique intégriste, et des Zouaves de Paris, milice violente de l’ultradroite très visible lors du meeting d’Éric Zemmour à Villepinte, à peine quelques jours plus tôt. C’était un résumé complet de ce qui s’est joué autour d’Anna von Hausswolff pendant ces journées agitées à Nantes puis à Paris, qui en dit bien plus long sur les mouvements tectoniques à l’œuvre en France en 2021 que sur la musique de la jeune Suédoise, qui était une cliente parfaite pour leur donner de la visibilité. Un tremplin médiatique idéal.
La surface, c’est la mobilisation en ligne, dès le dimanche 5 décembre, de réseaux catholiques intégristes nantais notamment actifs autour de la Société de Saint-Pie V et de la Fraternité Saint-Pie X. Relayé par des sites extrémistes comme le Salon beige et Riposte catholique, puis par Civitas, le message était simplet : Anna von Hausswolff est une musicienne sataniste car une de ses chansons sur la drogue parle de « faire l’amour avec le diable » et elle ne doit pas jouer de l’orgue dans une église de la ville. Le concert du mardi 7 décembre était pourtant organisé par le Lieu unique et le diocèse de Nantes dans le cadre d’un partenariat nommé Musique sacrée à la cathédrale et dans le respect des règles de ce dernier, comme cela se fait régulièrement. Mais rien n’est survenu par hasard en ce mois de décembre, dans un mélange de combats internes à la sphère catholique et de campagne présidentielle lancée très à droite.

Le fond religieux de ces journées de Nantes et Paris prend racine dans une décision du pape François en date du 16 juillet, une lettre apostolique dans laquelle le chef de l’Église catholique revenait largement sur une décision de son prédécesseur plus conservateur, Benoît XVI, qui avait laissé en 2007 beaucoup de liberté aux paroisses souhaitant tenir la messe en latin.