De Lyon
«Ça va coller ! » Une dizaine d’antifas âgés de 20 à 30 ans se retrouvent, vers 19 heures, sur une place de Villeurbanne, en banlieue lyonnaise. Démasqués, ils bravent dans la bonne humeur le froid de janvier (et un risque d’amende) pour recouvrir poubelles et poteaux d’affiches fustigeant la « division, l’islamophobie », Le Pen et Zemmour en 2022. « Contre, contre… Dites-nous plutôt pour qui voter ! », les interpelle un passant. « Ah, ça, monsieur, ce n’est pas notre travail », répond poliment un antifa. « Mais vous croyez qu’on ne le sait pas déjà que Zemmour est dangereux ? » « Malheureusement, non, on ne pense pas que tout le monde le sache… » Voilà, en ses terres lyonnaises, un groupe antifasciste d’un nouveau genre : la Jeune garde. Colle de chantier à la main, Margaux, coordinatrice du groupe local, traverse le passage piéton. « Contrairement aux fafs qui collent à 4 heures du matin, on veut se faire remarquer et créer du dialogue avec les gens. » Aussitôt repéré, un sticker d’extrême droite est recouvert et la scène transformée en story Insta. Investir la rue et le débat public, c’est l’objectif du mouvement, qui prêche la parole antifa dans des tracts distribués sur des marchés aussi bien que sur le plateau de Cyril Hanouna.
« L’information est nécessaire afin de convaincre des personnes souvent réticentes face à (…) certaines pratiques dans la lutte antifasciste » : en mars 2018, dans le média en ligne local et alternatif Rebellyon, la Jeune garde affichait, deux mois après sa création, son ambition de « briser une certaine image de l’antifascisme » et de le sortir de sa « subculture » pour le rendre plus accessible au grand public. C’était le cas le 5 février à Lille où, face à la venue d’Éric Zemmour, la Jeune garde encadrait une manifestation pacifique aux côtés des organisations et des partis traditionnels (lire l’épisode 1, « Les antifas foncent dans le tas »). Parallèlement, le groupe s’inscrit dans l’histoire et les pratiques anciennes de l’antifascisme. Son nom fait référence aux Jeunes gardes socialistes et communistes des années 1930, qui assuraient le service d’ordre des partis et luttaient contre les ligues d’extrême droite. Près d’un siècle plus tard, les antifas de la Jeune garde arpentent les rues pour en chasser les fafs, activité qu’ils ont rebaptisée « vigilance antifasciste » sur les réseaux, tel un groupe d’autodéfense des temps modernes.