Un mauvais tango, un rendez-vous manqué avec l’histoire, un cadeau laissé par des artistes à de médiocres besogneux. Voilà l’origine du plus grand malaise d’argent du football, qui persiste aujourd’hui. Le 2 juin 1978, en Argentine, la France revient pour la première fois depuis douze ans disputer la compétition la plus populaire de la planète, la Coupe du Monde, avec la génération dorée de Michel Platini. Portée par une ferveur entretenue par une triomphale tournée amicale en Amérique latine avant l’épreuve, elle affronte pour son premier match de poules, à Mar del Plata, une Italie adepte du catenaccio (le verrou défensif). Un affrontement qui ne laissera aucun souvenir côté français : pieds carrés devant, oiseux tactiquement, naïfs défensivement, la tête ailleurs en réalité, les Bleus s’inclinent 1-2 et rentreront à la maison dès la fin du premier tour, malgré deux autres rencontres plus abouties, contre l’Argentine (1-2) et la Hongrie (3-1). Leur réputation d’enfants gâtés et cupides est établie pour l’éternité, car la presse a découvert le pot aux roses. Ce match raté tient à quelques centaines de francs, une poignée d’euros d’aujourd’hui. L’équipementier Adidas devait verser à chaque joueur 1 600 francs (un peu moins que le salaire minimum de l’époque) pour faire briller les trois bandes sur les chaussures à la télé, mais tout compte fait, les Bleus ont trouvé que c’était peu. Ils ont envoyé juste avant le match leur capitaine Marius Trésor gratter une augmentation, qui a été sèchement refusée. C’était un enjeu évidemment dérisoire, les stars de l’équipe gagnant à cette époque en club des salaires de l’ordre de plusieurs dizaines de smic. Ils se sentent pourtant humiliés et, avant le match, passent en forme de rétorsion du cirage noir sur les trois bandes, laissant du même coup leur influx au vestiaire.