Une bombe laissée par l’UEFA fait tic-tac en cet été 2021 au bout d’une ligne de tramway à Bordeaux et pourrait exploser bientôt au visage des contribuables. Elle a été amorcée en 2011 et déposée là en 2015 par Alain Juppé, alors maire LR de Bordeaux. C’était au départ un ouvrage de prestige réalisé suivant les prescriptions de l’UEFA pour l’organisation en France de l’Euro en 2016 : un stade de 42 000 places, bijou architectural avec une « forêt » de piliers blancs très stylée, des écrans géants très chics, des loges pour les plus riches qui payent à l’année. Un ensemble donc très bordelais, qui serait parfait pour un club de niveau Ligue des champions… qui n’est ici qu’un rêve.
C’est un de ces « éléphants blancs », du nom qu’on donne à ces infrastructures mégalomanes puis en déshérence qu’on croyait réservées aux Jeux olympiques, que l’UEFA commence à laisser derrière elle avec l’organisation de l’Euro, l’un des événements sportifs désormais les plus fastueux de la planète. Cette affaire de Bordeaux est typique de la dérive qui se poursuit cette année. Cinq matchs de l’Euro 2016 s’y sont déroulés, dont un quart de finale Allemagne-Italie. L’événement devait illustrer l’entrée dans la cour des grands de l’ancienne « belle endormie » bordelaise, en plein boom démographique. Nicolas Florian, dauphin de Juppé, espérait bien mettre tout cela à son actif pour l’élection municipale de 2020, mais il a été battu à la surprise générale par l’écologiste Pierre Hurmic, grand détracteur du projet. Il est vrai que Florian a traîné dès le départ le stade comme un boulet. Il a dû dépenser une fortune en fonds publics pour aménager des accès à ce lieu coincé dans un cul-de-sac dans le nord de l’agglomération. Ensuite, le stade s’est révélé surdimensionné pour le club des Girondins, qui stagnait désespérément à une moyenne d’affluence de 20 000 spectateurs. L’échec était très prévisible. Le club n’a jamais attiré davantage, même quand il était champion (ça date de 2009), car la ville n’est pas vraiment un bastion de la passion populaire du foot, concurrencé ici par le rugby.

Le compte à rebours de la bombe a démarré dès l’origine, du fait de la procédure retenue pour la construction et l’exploitation, le controversé « partenariat public-privé » (PPP). Au lieu d’emprunter et de faire construire elle-même, Bordeaux a confié l’affaire à un consortium composé des constructeurs Vinci et Fayat, gavé d’emblée de 75 millions d’euros de subventions sur fonds publics.