C’est comme un vertige quand on l’ouvre, une boîte à rêves ou à fantasmes pour les millions de fans de football. Prenons le 6 juillet 2021, jour de la demi-finale de l’Euro Italie-Espagne. Betclic, leader sur le marché français des paris sportifs, proposait ce jour-là 347 possibilités différentes sur ce seul match. Le pari sur le résultat, bien sûr : Italie ou Espagne victorieuse. Mais aussi le score exact, le nombre total de buts marqués à la fin, le score à la mi-temps, le nom des buteurs, l’écart final de buts, la première équipe à marquer, des « doubles chances » (« Italie ou nul »), des combinaisons (« résultat et nombre total de buts »)… Ce même jour, il était également possible de parier sur les matchs de la Copa America, sur une série d’obscures rencontres de tour préliminaire de la Ligue des champions comme Ferencváros-Pristina ou Helsinki-Podgorica, ou encore sur les rencontres des championnats du Maroc, du Brésil… On pouvait combiner à l’infini des paris sur tous ces résultats, ce qui démultiplie la cote mais réduit mathématiquement les probabilités de gagner. Faire battre son cœur et rêver du jackpot en regardant un ballon rouler à la télévision est devenu un phénomène social… et un fléau dont on commence seulement à entrevoir les conséquences.

Ce manège donne désormais lieu à des discussions quotidiennes et infinies dans tout le pays, à la maison, à l’école, au bistrot, au travail. C’est le serveur de restaurant qui montre le ticket où il a misé 300 euros, un quart de son salaire mensuel peut-être, en une soirée et sur un match. C’est le gamin qui flambe son argent de poche sur le compte de papa (les mineurs ont interdiction de jouer, mais cette règle reste théorique compte tenu des conditions matérielles des paris). Chaque gain devient une histoire sur les réseaux sociaux et la fièvre est ainsi communicative. « Quand tu gagnes, tu te sens super fort. Je gagnais et je mettais ça sur Snapchat, et il y a beaucoup de très jeunes qui me disaient : “Je te donne 100 euros et tu mises pour moi” », a ainsi raconté un jeune parieur sur le Bondy Blog, qui a le premier repéré en février 2021 les ravages du phénomène dans les quartiers populaires. Cette mode a généré une myriade de sites de charlatans ou de pseudo-spécialistes offrant une martingale ou de supposés bons tuyaux. Ce qui n’était qu’une manie finalement assez marginale en 2010, lors de