Bordeaux, envoyée spéciale
Devant une cour d’assises, le moindre hasard prend des airs de signe du destin. Le lundi 13 août 2007, Jocelyn Chauveau n’aurait pas dû travailler : il s’était marié pendant le week-end. Le brigadier-chef a quand même bien voulu remplacer un collègue. De quoi rassurer le commissaire de permanence pour qui, quand Chauveau est aux manettes la nuit, on peut dormir sur ses deux oreilles. Il n’imaginait pas que douze ans plus tard, il devrait témoigner à son procès, une rareté dans les affaires de tirs policiers mortels. Cette nuit-là, Jocelyn Chauveau a tué un homme avec son arme de service, dans le centre-ville de Poitiers. La victime, Olivier Massonnaud, était un « forcené » selon les policiers présents, qui n’ont rien connu d’autre de lui. Son père, 82 ans aujourd’hui, préfère dire qu’il « a fait une crise de désespoir ».
Depuis lundi, à Bordeaux, les interrogations sur la nature du mal qui a frappé Olivier Massonnaud il y a douze ans s’éternisent : folie passagère, « décompensation », démence due à l’alcool ? Signe de dépression ou d’une agressivité longtemps enfouie ? Et quid de sa personnalité complexe, lui qui entretenait deux relations amoureuses simultanées et présentait peut-être les signes avant-coureurs d’une colère incontrôlable ? S’il est impossible d’en faire abstraction, les débats sur tout ce qui a précédé le coup de feu traînent en longueur. Tout le monde est d’accord, pourtant : Olivier Massonnaud avait pété un plomb. On détaille à l’audience ses deux heures d’invectives furieuses – « un bon flic est un flic mort », « je vais tous vous planter », « police de blancs, j’ai voté FN », « ma vie est foutue, j’en ai rien à foutre » –, ses déplacements jusqu’à l’issue fatale, les meubles jetés dans la rue et jusqu’aux gouttes de sang qu’il a laissées sur les fenêtres.
Pour mener à bien cette pré-histoire du crime, deux témoins importantes manquent toutefois à l’appel : la compagne d’Olivier Massonnaud, battue ce soir-là, et la voisine chez qui il s’est introduit ensuite. La cour n’a pas jugé indispensable de pousser plus loin les recherches. Lundi et mardi, le président Stéphane Rémy a posé quelques questions distraites, voire improvisées, ponctuant les dépositions de « hmm-hmm » approbateurs, de longs silences et de remarques parfois déplacées. Il a ainsi refusé une dernière question de la défense à un témoin :