Bordeaux, envoyée spéciale
À l’annonce de son acquittement, Jocelyn Chauveau pousse un long soupir, avant de se relever et de laisser couler quelques larmes. Il sort libre et blanchi de la cour d’assises de Bordeaux après douze ans de procédure judiciaire. Dans la nuit du 13 au 14 août 2007, en centre-ville de Poitiers, ce policier a tué d’une balle dans le ventre un homme en pleine crise de violence, mais désarmé au moment du tir. La légitime défense a été définitivement reconnue. En quittant la salle d’audience, Jocelyn Chauveau étreint ses collègues, venus en nombre le soutenir, et reçoit une franche poignée de main du directeur départemental de la sécurité publique de la Vienne. Son avocat, Laurent-Franck Liénard, salue une décision qui pour lui « allait de soi ». La famille de la victime a déjà quitté les lieux. Furieuse, à n’en pas douter, mais sans réaction apparente. Il faut dire qu’après moins de deux heures de délibérations, le verdict n’a rien d’une surprise.
Je me trouve dans cette situation paradoxale d’être un représentant de l’accusation qui ne soutient pas l’accusation. La loi prévoit des exceptions à la responsabilité pénale, c’est le cas ici.
Dans ce procès hors norme, l’accusé bénéficiait d’un allié de poids, en la personne de l’avocat général. Celui-ci n’a pas fait mystère de sa position pendant les cinq jours d’audience, s’attirant jeudi ce commentaire de Patrick Maisonneuve, l’avocat de la famille Massonnaud : « J’ai l’impression d’entendre la défense à chaque fois que je tourne la tête. Il y a un problème géographique dans cette salle. » Pierre Nalbert n’a pas ménagé de faux suspense en entamant son réquisitoire, vendredi matin. « Je me trouve dans cette situation paradoxale d’être un représentant de l’accusation qui ne soutient pas l’accusation. La loi prévoit des exceptions à la responsabilité pénale, c’est le cas ici. » Le magistrat, sur le point de prendre sa retraite, s’est placé sans ambiguïté dans la lignée de ses prédécesseurs. Le parquet n’a jamais voulu que Jocelyn Chauveau soit renvoyé devant les assises.
Aux yeux de l’avocat général, l’accusé – qui « est tout sauf un va-t’en-guerre » – peut se prévaloir de la « légitime défense putative », c’est-à-dire « la croyance raisonnable à un péril vraisemblable », même si après coup son analyse se révèle « erronée ». Comme ses collègues sur les lieux ce soir-là, Jocelyn Chauveau pensait Olivier Massonnaud armé d’un couteau et dangereux, compte tenu de son comportement des deux heures précédentes, et son tir en découle. « Je vous dis pas qu’il a bien fait », précise Pierre Nalbert.