Sur la culasse du Sig Sauer, « Propriété de l’État » est gravé en lettres capitales, police Arial. Il est temps de brosser le portrait du héros de cette série, l’arme de service qui équipe la quasi-totalité des policiers, gendarmes et douaniers français. De couleur noire, en polymère et en acier, elle pèse un peu moins d’un kilo lorsque le chargeur de quinze cartouches est plein. Jusqu’en 2002, des dizaines d’armes de poing différentes cohabitaient au sein des forces de l’ordre, même si les plus répandues étaient le revolver (français) Manurhin dans la police et le pistolet MAS G1 (pour « Manufacture d’armes de Saint-Étienne ») chez les gendarmes. Un ministre de l’Intérieur nommé Nicolas Sarkozy a décidé de remettre de l’ordre dans tout ça : doter tous les effectifs de la même arme, un pistolet semi-automatique plutôt qu’un revolver, à travers « la plus grosse commande d’armes de service de l’après-guerre », selon son fabricant.
« À l’heure actuelle, le parc des armes de poing utilisées dans la police nationale est vieillissant (certaines armes ont 55 ans) et disparate (80 modèles sont utilisés), à tel point qu’il est devenu impossible de se procurer des pièces détachées pour certaines d’entre elles », constatent des députés en 2003, à l’orée du changement. Les élus regrettent que certaines armes alors en service « utilisent une cartouche pour laquelle il n’existe plus qu’un seul industriel au monde (en l’occurrence l’italien Fiocchi) capable de fournir les quantités demandées par le ministère (6 millions de cartouches) ». Par ailleurs, ajoutent-ils, les revolvers « ont montré leurs limites en situation de feu ». Il faut se contenter de six cartouches (et même cinq, dans les modèles plus légers conçus pour les femmes), ou recharger en pleine fusillade en glissant une à une les balles dans les alvéoles du barillet. L’efficacité de la manipulation est incertaine, quand il faut aller vite. Face à l’armement lourd du grand banditisme, voire des groupes terroristes, la puissance de feu des pistolets modernes serait plus adaptée. « Je trouve que le Manurhin faisait plus “amateur” », commente un policier de PJ qui a connu les deux. « Le Sig répond à des problématiques de dangerosité qu’on peut rencontrer, même s’il ne se battra jamais contre une kalach. Et il est plus précis en tir. » D’autres considérations – coût, fiabilité, facilité d’utilisation et d’entretien – plaident en sa faveur.

La grande harmonisation commence donc par un appel d’offres lancé par l’État, le 8 octobre 2002.