Sur une route départementale du Val-d’Oise, la brume et la forêt s’épaississent à mesure que les maisons s’espacent. Un groupe de chasseurs en parkas orange marche sur des feuilles mortes au détour d’un chemin. On touche au but : un fort militaire du XIXe siècle plutôt discret, s’il n’en sortait des coups de feu résonnant à des centaines de mètres à la ronde. Au Centre national de tir de Montlignon, toutes sortes de policiers s’entraînent. C’est aussi entre ces murs épais que sont formés, chaque année, 96 moniteurs de tir et de sport. Dans le jargon, on les appelle « FTSI » (« formateurs en techniques et sécurité en intervention »). Le fort de Montlignon est un peu l’IUFM de la police. Ceux qui en sortent enseignent en école de police ou encadrent les trois séances de tir annuelles obligatoires de leurs collègues. C’est sur eux que repose l’apprentissage des savoirs policiers au cœur de cette série : le maniement des armes, le tir, mais aussi la confiance et le discernement dont font preuve – ou pas – les fonctionnaires équipés d’un Sig Sauer (lire l’épisode 3, « Il suffira d’un Sig »).
Le major François Trinta, 52 ans, est instructeur de tir et responsable de la formation au sein du fort de Montlignon. Trapu, vêtu d’un blouson « police » et les cheveux grisonnants au-dessus de ses lunettes, il se montre intarissable sur son sujet. Depuis onze ans, il arpente les treize hectares du site, conduit sa voiture sous les tunnels voûtés, entre les salles de classe et à travers les sept « plateaux », c’est-à-dire les stands de tir extérieurs où l’on manie toutes les armes en usage dans la police. Xavier, enquêteur financier, s’est récemment rendu à Montlignon pour une séance de tir. Son service s’entraîne là-bas, accompagné par ses propres moniteurs, dans des conditions plus proches du réel que dans un stand classique, couvert et chauffé. « En extérieur, on subit les intempéries et les changements climatiques », explique le policier. « L’hiver, il fait froid et cela se ressent sur les mains, les doigts et l’arme. On s’aperçoit qu’il ne serait pas aisé de tirer sur le terrain », reconnaît-il. « Premièrement, nous sommes susceptibles de trembler pour d’autres raisons que l’adrénaline. Deuxièmement, nous porterons peut-être des gants lorsqu’il nous faudra dégainer. »
Tandis que le major Trinta nous fait visiter l’espace réservé au « tir de haute précision » dans les douves du fort – cibles à 200 mètres, visée à plat ventre –, des coups de feu retentissent sur le talus voisin sans le faire sursauter.