Ce 9 novembre 2020, Carole L. est intriguée. Sa mère, Annie Quéméner, a laissé les clés de son appartement dans la boîte aux lettres de sa fille avec un mot : « Au cas où. » Après l’avoir appelée en vain sur son téléphone, la trentenaire parisienne est prise par l’inquiétude. Il s’est peut être passé quelque chose de grave. Avec Simon B., son compagnon, elle se rend sur place, place Pinel, dans le XIIIe arrondissement de Paris. La porte de l’appartement n’est pas fermée à clé. Il y a là la carte d’identité de sa mère, des papiers de la banque. Et puis son corps : Annie s’est suicidée à son domicile.
Si l’on vous parle de ce drame dans cette série, c’est parce qu’il illustre les ravages provoqués par les escrocs qui œuvrent via le téléphone (lire l’épisode 2, « Allôteurs : comment ils nous font mordre à l’hameçon »). « Ils ont touché le cœur de notre famille, ils ont réussi à couper notre mère de nous », résume Carole. « Ils », ce ne sont pas nos habituels « allôteurs » qui se font passer pour des conseillers bancaires, mais, comme vous allez le voir, leur mode opératoire est assez proche. Leur méthode est bien rodée, c’est une variante de l’arnaque dite « au faux président », cette escroquerie basée sur l’« ingénierie sociale » qui vise à faire opérer à des tiers des virements frauduleux en usurpant l’identité du dirigeant d’une entreprise.
À Noël 2019, les proches d’Annie avaient bien remarqué que quelque chose n’allait pas. Cette ancienne auxiliaire de puériculture de 72