Il y a plusieurs façons de regarder « l’affaire de la matraque ». Nombre d’habitants d’Aulnay-sous-Bois voient ce qui est arrivé à Théo L. comme l’épilogue dramatique d’une longue dégradation des relations avec la police. D’autres l’envisagent comme le pic d’une sorte de boucle infernale, alternant tensions larvées avec la police, bavure, émotion généralisée, promesses de changement, retour au niveau de tension habituel, et ainsi de suite. Quelques-uns, enfin, veulent y voir le point de départ d’un changement. Hadama Traoré, homonyme d’un symbole de la lutte contre les violences policières, fait partie de ces optimistes. À 32 ans, il entend faire dialoguer les banlieues et leur police, en commençant par Aulnay-sous-Bois. On a vu passer, ces dernières années, plusieurs initiatives de ce genre, sans soutien ni relais du ministère de l’Intérieur : elles débouchent rarement sur du concret.
Le type a tous les attributs de ceux qu’on appelle, dans les cités, un « grand frère ». Un boulot à la mairie d’Aulnay – il est responsable d’une antenne jeunesse –, une belle gueule et une tchatche de maboul, une adolescence assez fiévreuse pour être crédible et assez lointaine pour rassurer le chaland. Son agenda est transparent : créateur du mouvement citoyen « La révolution est en marche », Hadama Traoré vise le poste de maire en 2020. Il ne veut s’affilier à aucune organisation politique existante, glisse qu’il a déjà été approché sans donner suite. Avant lui, beaucoup ont essayé de lancer des « listes citoyennes » dans d’autres banlieues de France. Leurs tentatives ont rarement fini en succès, parfois avalées par un parti de gauche, souvent dans les oubliettes de l’histoire. Pour l’instant, en tout cas, l’initiative d’Hadama Traoré jouit d’une certaine popularité dans les quartiers nord d’Aulnay, dont il est issu et où il revient toujours. Plusieurs personnes nous ont conseillé de le rencontrer. À tous les coins de rue des 3 000, il salue des connaissances.

Hadama Traoré s’attable au fond du snack flambant neuf du nouveau Galion, le centre commercial du quartier, pose ses béquilles contre le mur – un accident de sport – et déroule son CV. Ses parents, immigrés du Mali avant sa naissance, étaient éboueur et femme de ménage. Grâce au Secours catholique, il a pu passer le Bafa et devenir animateur. Petit, il a connu