Les premiers habitants rencontrés à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) n’ont cessé de le répéter. À leurs yeux, ce qui est arrivé à Théo L. n’est que la partie émergée d’un iceberg d’incompréhension, de tensions et de conflits entre la police et eux. « Il y a deux mois, raconte par exemple Abdel, 34 ans, croisé ce mardi, un policier m’a dit : “Retourne dans ta brousse.” » Les Aulnaysiens des quartiers nord évoquent un tutoiement qui n’étonne plus personne mais continue à heurter, des gifles, des « casse-toi » à la fin d’un contrôle, des insultes de part et d’autre, une trouille mutuelle.
Dans le premier épisode d’Outrage et rébellion (lire « Aulnay, cœurs à vif »), le député (PS) Daniel Goldberg pressentait que cette affaire, dans laquelle quatre policiers ont été mis en examen pour « violences volontaires », dont l’un également pour « viol », pouvait « délier les langues ». Il avait rencontré, dans les quartiers nord d’Aulnay-sous-Bois, « trois personnes qui [disaient vouloir] porter plainte pour des violences d’il y a quinze jours ou trois semaines ».
C’est chose faite, pour l’un d’entre eux. Mardi 14 février, L’Obs révèle que Mohamed K., 22 ans, vient de déposer plainte pour des violences datant du 26 janvier, soit une semaine avant l’interpellation violente de Théo L., qui est d’ailleurs l’un de ses amis. D’après son récit à l’hebdomadaire, le jeune homme n’a pas porté plainte plus tôt parce qu’il « venai[t] de trouver du travail » comme livreur et ne voulait pas « risquer de le perdre ».

Mohamed K. explique avoir été contrôlé dans la rue par trois policiers, qui le poussent dans un hall d’immeuble. L’un d’eux, surnommé « Barbe Rousse » dans le quartier, serait le fonctionnaire de la Brigade spécialisée de terrain (BST) mis en examen pour viol sur Théo L. quelques jours plus tard. Mohamed K. dit avoir été frappé dans ce hall pendant « trente à quarante minutes ». Il rapporte des « coups de pied, coups de poing au visage, dans le ventre, dans le dos », des « coups de genoux dans les yeux », des coups de matraque, des menaces de Taser, des insultes : « Ils me traitent de “sale noir”, de “salope”, ils me crachent dessus. » Les violences auraient continué sur le trajet vers le commissariat, où le jeune homme est placé en garde à vue pendant vingt-quatre heures pour « outrage et rébellion », le couple de délits auquel les policiers ont très souvent recours. Ils déposent immédiatement plainte contre Mohamed K. Ils