C’est un petit coin de paradis, mais caché des regards par de hauts murs ocre rose. Une villa mystère nichée au cœur de la palmeraie de Marrakech. Deux hectares d’oasis de verdure. « Un havre de paix, calme, silence. Domaine clos et gardienné », aurait pu écrire un agent immobilier spécialisé dans les résidences de luxe. Mais, comme dans la Genèse, entre deux effluves de piscine paradisiaque, le diable et son parfum de corruption se sont glissés dans cette somptueuse demeure… dont le véritable propriétaire reste un inconnu. Est-il en Suisse, au Panama, à Singapour ou dans les îles Vierges britanniques ? Nous arrivons là au cœur de la saga Balkany, là où l’enjeu judiciaire est le plus lourd, qu’aborde ce mercredi le tribunal : car cette villa est la seule propriété dont le couple nie avec fermeté la possession… C’est aussi celle qui pourrait signer la trace de la corruption, le plus gros délit reproché à Patrick, pour lequel il risque dix ans de prison (lire l’épisode 1, « Les Balkany en bloc »). Le prix du péché originel.
Marrakech, 25 juin 2015. Arrêtons-nous avec l’aréopage de magistrats et de policiers, marocains et français, qui arrive dans l’air chaud du matin devant la grande porte de cet endroit de rêve. Décidément, ils sont bien à l’heure, ces Français : 10 heures tout juste, les voilà. Monsieur A., qui ouvre la porte, est un peu nerveux. Le majordome marocain de la propriété a bien été prévenu par la police, mais il ne s’attendait pas à un tel débarquement : le chef de la brigade financière de la PJ de Marrakech en personne, et aussi cette femme aux cheveux châtain clair. La « juge Patricia Simon de Paris », a-t-il entendu. Avec sa greffière, et deux autres policiers français, un homme et une femme. Ah, là là… et les patrons qui ne sont pas là ! « Je représente le locataire Alexandre Balkany, dit-il. Monsieur est venu pour la dernière fois en… février, juste avant son père, M. Patrick Balkany, à la fin du mois de février. Veuillez me suivre. » Visiblement, l’employé de maison a été briefé par les « locataires ».
La troupe franchit la grande porte, ou plutôt le portail imposant, couleur terre cuite, où s’affiche cet intrigant patronyme sur une plaque : « Dar Gyucy ». « Dar », la maison en arabe, mais « Gyucy » ? Les enquêteurs ont vite compris. Il s’agit de la contraction des prénoms de deux des petits-enfants du clan B. : Gyula et Lucy. Le diable est dans les détails. En tout cas, ce nom exotique signe peut-être leur forfait, nous y reviendrons.