Oseraient-ils le refaire ? En 2003, dans le cadre d’un programme de lutte contre les discriminations, une équipe de chercheurs a demandé à 2 600 agents de la police anglaise de cocher sur une liste de 39 propositions les catégories de personnes qu’ils détestaient spontanément. Parmi les suggestions, on trouvait les femmes qui allaitent leur bébé en public. C’était il y a quatorze ans. Entre-temps, la déferlante de l’allaitement au sein s’est abattue sur le monde développé. On ne critique plus.
Les Britanniques ont adopté dans leur « Equality Act » de 2010 une disposition qui interdit expressément de discriminer les femmes qui donnent le sein dans le parc, les restaurants ou les bus. En janvier 2014, le pape François, qui baptisait des bébés au Vatican, a autorisé les mères qui le souhaitaient à allaiter pendant la cérémonie en pleine chapelle Sixtine – dont le plafond regorge de poitrines dénudées, il est vrai. Même Facebook, temple de la pudibonderie la plus bornée, notamment en ce qui concerne les formes mammaires, a fini par plier. Depuis 2013, on peut diffuser sur le portail social des photos de femmes qui allaitent. En 2016, une députée islandaise est intervenue à la tribune en allaitant son bébé. Une sénatrice australienne l’a imitée en mai 2017.
La pratique revient en force. En France, à la fin des années 1990, 55 % des enfants étaient nourris au sein à la naissance. On est passé à plus de 65 % depuis le milieu des années 2000, selon la Direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques du ministère des Affaires sociales (Drees). Les Scandinaves sont à 95 %. « Pourtant, dit la Drees, au début des années 1970, les taux d’allaitement étaient très faibles en Suède comme en Norvège (30 % à deux mois). » Les mentalités ont changé. Désormais, il faut non seulement allaiter au sein, mais également faire savoir que l’on allaite. Ou plutôt ne pas dire qu’on préfère nourrir son enfant au lait en poudre.

Les industriels du lait maternisé ne cherchent d’ailleurs plus à lutter pour défendre ce marché de 524 millions d’euros en France (chiffre 2014). En cliquant sur le site de Blédina (groupe Danone), l’internaute tombe en préambule sur