Les États ont largement financé les recherches sur les vaccins à ARN messager ? Peu importe, les labos s’attribuent tout le mérite… et se font la guerre.
Les vaccins contre le Covid-19 n’ont pas fini, eux aussi, de muter. Les laboratoires adaptent leur formule aux variants – et sous-variants – devenus majoritaires, notamment le BA.1, plus connu sous le nom d’« Omicron ». Ces jours-ci, les premières doses de ces « boosters » – petit nom donné par les industriels – arrivent en Europe, après avoir été validés par l’Agence européenne du médicament le 1er septembre dernier. Une source de profit supplémentaire pour une industrie qui en a déjà engrangé énormément depuis le début de la pandémie. En février dernier, deux ans tout juste après les premières mesures de confinement en Europe, le laboratoire américain Pfizer annonçait prévoir un chiffre d’affaires de 32 milliards de dollars (32,4 milliards d’euros) pour son vaccin, le Comirnaty, développé avec l’allemand BioNTech et dont les recettes se sont déjà élevées à près de 37 milliards de dollars (37,4 milliards d’euros) en 2021. À quoi il faudra ajouter cette année quelque 22 milliards de dollars (22,2 milliards d’euros) pour sa pilule anti-Covid, toujours selon les prévisions du laboratoire. Qui se sont déjà partiellement confirmées : d’avril à juin, son chiffre d’affaires a bondi de 53 % par rapport à la même période un an auparavant.
Ces résultats records semblent avoir attisé les appétits de ses concurrents. Le 26 août dernier, le laboratoire Moderna a attaqué Pfizer en justice aux États-Unis et en Allemagne pour violation de deux de ses brevets sur l’ARN messager. Moderna attend pourtant des gains similaires de son propre vaccin : 21 milliards de dollars (21,2 milliards d’euros) cette année – au bas mot, puisque cette estimation est basée sur les contrats de vente déjà conclus en avril dernier. Au total, les bénéfices annuels de ces trois entreprises sont estimés à 34 milliards de dollars (34,3 milliards d’euros) en 2021, selon la People’s Vaccine Alliance, regroupement d’une centaine d’ONG réclamant un vaccin gratuit accessible à tous. Du jamais-vu en si peu de temps. Mais insuffisant pour Moderna, qui espère donc récupérer des royalties auprès de ses deux concurrents devant la justice – sans demander le retrait du Comirnaty, qui mettrait un coup d’arrêt à la campagne de vaccination.
Des techniciens travaillent sur un bioréacteur pour la fabrication du vaccin anti-Covid dans l’usine BioNTech de Marbourg, en Allemagne, le 27 mars 2021
— Photo Boris Roessler/Zuma/Réa.
L’industrie pharmaceutique est une habituée des superprofits, et ce quel que soit le niveau de l’inflation. Des superprofits découlant de ses brevets, lui garantissant une rente pendant vingt ans, avant que des génériques puissent être fabriqués.