«Je me suis fichu des choses nulles qui n’avaient pas d’importance mais bien sûr j’ai regardé des phrases clés qui concernaient la responsabilité de Servier (…). Et donc j’ai fait changer pas mal de choses. » Ainsi parle au téléphone le professeur Claude Griscelli, célèbre pédiatre et immunologiste. Au bout du fil, Jean-Philippe Seta, numéro 2 du laboratoire pharmaceutique Servier. Les deux hommes se tutoient. En ce 24 juin 2011, ils sont sur écoute dans le cadre de l’instruction ouverte par le parquet de Paris dans l’affaire du Mediator. Claude Griscelli ajoute, visiblement soucieux de rassurer son interlocuteur : « Sur ce qui te concerne, toi, ça a été très sobre, tant mieux. » Selon ses dires, l’immunologiste se serait rendu un soir au Sénat, à l’invitation de l’élue UMP Marie-Thérèse Hermange, pour « regarder » le rapport sénatorial sur le scandale du Mediator. Et l’aurait donc amendé pour minimiser la responsabilité du laboratoire. Plus loin dans la conversation, Claude Griscelli précise à Jean-Philippe Seta : « J’ai par contre accentué beaucoup les reproches que l’on peut faire à l’Afssaps ». Cet échange, révélé à l’époque par Le Figaro, traduit une effrayante connivence. À l’image de tout le système d’influence mis en place par Servier (lire l’épisode 1, « Big Pharma, influence sur ordonnance ») pendant des décennies pour s’attirer les bonnes grâces des puissants : politiques, illustres médecins ou experts haut placés.
Le procès du Mediator s’ouvre ce lundi devant le tribunal de grande instance de Paris avec une liste de 14 prévenus.