La silhouette est droite. L’exposé, précis. Sous ses yeux, un dossier ouvert, des documents qu’elle connaît par cœur. « Il faut aller au fond des choses », insiste Irène Frachon, qui sent la présidente du tribunal, Sylvie Daunis, s’impatienter un peu. Mercredi, Irène Frachon a conté une décennie de combat au procès du Mediator. Avec une émotion contenue. Pendant six heures, sa voix n’a tremblé qu’une fois, à l’évocation des victimes. Sur l’écran au mur, la pneumologue projette des courbes qui se superposent, des valves cardiaques en piteux état et un cœur ouvert, celui de « Marie-Claude », une patiente décédée il y a dix ans, qu’elle appelle toujours par son prénom. La sobriété du ton exclut toute posture. Irène Frachon ne surjoue pas, elle est médecin et scientifique. « Je ne connaissais pas le terme de lanceur d’alerte », explique-t-elle plus tard. Elle l’a appris dans le mail d’un expert agacé de l’Agence du médicament lui reprochant de se prendre pour un « whistleblower américain ».
Je suis reçue une première fois à l’Afssaps en juin 2009. On m’a dit d’aller vite. Je suggère le retrait d’autorisation de mise sur le marché et me fais tacler.
La salle du tribunal de grande instance de Paris est comble. L’opiniâtreté d’Irène Frachon force l’admiration. Sans elle, le Mediator aurait causé bien plus de morts : entre 500 et plus de 2 000, selon les décomptes. À partir de 2007 et jusqu’au retrait du médicament fin 2009, elle enquête pour comprendre les méfaits du médicament de Servier. Ses doutes sont alimentés par son passage comme interne à l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart (Hauts-de-Seine), au début des années 1990.