De Londres
Sur la lettre qu’elle a reçue, le « e » final a été conservé. Le « e » d’Hélène, qu’elle a abandonné pour devenir Helen Cadiou, citoyenne franco-britannique (lire l’épisode 6, « Should I stay or should I go ? »). Elle tient dans la main ce courrier, lettres noires sur fond blanc, une enveloppe, des cases à cocher, un emplacement pour signer, le sésame pour voter par correspondance à l’élection générale qui arrive le 12 décembre prochain (lire l’épisode 8, « En attendant le Brexit, les députés votent leur Westminsterxit »). « Ça m’évite d’aller à mon bureau de vote de Camden, il est plutôt mal famé, vétuste », justifie la responsable d’assurance qualité pour programmes de recherche, qui fait partie des personnes suivies par Les Jours dans la crise du Brexit. « Et puis, la dernière fois à l’élection locale, il y avait des gens devant la porte pour nous dire de voter travailliste. C’est de l’intimidation ! » Pas question pour autant de rater le rendez-vous : si Helen a pris la nationalité britannique, c’est bien pour pouvoir voter. Sur la table de sa véranda s’entassent des articles sur les programmes politiques de chaque parti, consciencieusement surlignés en fluo et assortis de notes griffonnées. Mais l’enjeu principal est ailleurs, estime la quinquagénaire : « C’est une “élection Brexit” », auquel elle est opposée. Même avis dans le camp adverse : Martin Nye, chauffeur de bus des Midlands, dans le centre de l’Angleterre, rencontré devant la Chambre des communes en septembre (lire l’épisode 4, « Chez Boris, c’est soirée fiasco »), estime que « c’est le sujet principal. Parce que, comme dit Boris Johnson, tant qu’on n’a pas résolu la question on ne pourra pas avancer ».
Pourtant, le sujet Brexit a failli disparaître. Presque éclipsé par l’attentat commis sur le London Bridge vendredi 29 novembre. Un islamiste radical, deux morts et trois chefs de file politiques qui s’écharpent sur la question de sa libération anticipée. Usman Khan, 28 ans, avait purgé six ans d’une peine de prison initialement fixée à seize ans. Il y a dix jours, il a pris ses couteaux, enfilé sa fausse ceinture d’explosifs et frappé des passants. Avant d’être maîtrisé par des badauds et abattu par la police. Est-ce cela qui a convaincu le Premier ministre d’accepter une interview le dimanche suivant chez Andrew Marr, pape des journalistes politiques à la BBC ? En tout cas, pendant l’entretien d’une demi-heure, Boris Johnson peine à caser le mot « Brexit ».