Faites rouler quelques camions côte à côte et au pas sur une autoroute, vous obtiendrez l’oreille du gouvernement. C’est ce bras de fer politique qu’ont de nouveau amorcé mi-septembre deux syndicats de chauffeurs routiers, la FGTE-CFDT et la CFTC, et qui rebondit ce lundi 25 septembre avec un nouvel appel aux blocages signé CGT et FO. Une grève contre la réforme du Code du travail par ordonnances, mais reconductible cette fois. Ce qui fait revenir à l’esprit des épisodes récents qui avaient occupé l’actualité pendant des jours, voire des semaines : la pénurie de carburant de 2010 qui s’était terminée par une réquisition des salariés, la même chose en 2000, en 1995… Mais on en est loin ce lundi matin : certains barrages ont déjà été levés et les blocages de dépôts de carburant sont encore peu nombreux.
Un seul poids lourd a une capacité de nuisance égale à celle de quelques milliers de manifestants remontés, les syndicats le savent bien. Ainsi, Patrice Clos, le secrétaire général de Force ouvrière transports, m’a confirmé qu’il s’agit bien, pour les chauffeurs, de « combattre les ordonnances pour l’ensemble des salariés ». De mettre un coup de pression sur le gouvernement d’Édouard Philippe alors que les journées de mobilisation des salariés dans la rue n’ont pas vraiment pesé.
Le transport en France, c’est 80 % d’entreprises qui sont des TPE ou des PME de moins de 20 salariés. C’est dans ce genre d’entreprises que les patrons pourront négocier du moins-disant social.
Malgré tout, les routiers sont allés rencontrer la semaine dernière le directeur de cabinet de la ministre des Transports, Élisabeth Borne, avec des revendications spécifiques. « Le transport en France, c’est 80 % d’entreprises qui sont des TPE ou des PME de moins de 20 salariés, continue Patrice Clos. C’est donc dans ce genre d’entreprises que les patrons pourront négocier du moins-disant social. » Les ordonnances du gouvernement prévoient en effet, entre autres douceurs, qu’une entreprise puisse négocier, avec ou sans syndicat, un accord moins avantageux que la convention collective de son secteur. Patrice Clos y voit un grave danger : « Toutes ces petites entreprises, ce sont des sous-traitants, des sous-traitants de sous-traitants ! Et à ce petit jeu, c’est toujours le moins cher qui l’emportera. Donc, un patron voudra toujours que le travail lui coûte moins cher, tirer ses salariés vers le bas. »

Pour Patrick Blaise, le secrétaire général de l’Union fédérale route FGTE-CFDT, « vous avez déjà des employeurs qui cherchent à diminuer les primes des conducteurs, par exemple les découchages ou les repas… Si ces ordonnances passent, ça sera n’importe quoi de ce côté. » Les syndicats de chauffeurs s’inquiètent aussi d’une autre disposition de ces ordonnances, qui prévoient une « rupture conventionnelle collective » qui correspond aux actuels plans de départs volontaires.