Parce qu’elle ne pouvait pas mourir, aux Jours, nous n’avions pas préparé de nécro à l’avance comme le font d’ordinaire tous les médias. Et puis pouf, jeudi, quelques heures après un communiqué annonçant la préoccupation de ses médecins (et conclu d’un éclatant zeugma : « The Queen remains comfortable and at Balmoral »), Elizabeth II, depuis son château écossais, a passé l’arme à gauche et la couronne du Royaume-Uni à son fils Charles qu’il faut désormais affubler d’un III. Depuis, des miles et des miles d’hommages sont publiés, diffusés, réseausocialisés et, pendant que ces lignes s’écrivent, s’organisent les obsèques avec tout ce qu’il faut de pomp et de circumstance, dont, on l’espère, le transport en train royal du cercueil d’Elizabeth II d’Edimbourg jusqu’à Londres
Vous connaissez le poème de W.H. Auden : « Arrêtez les horloges, coupez le téléphone »… Et pour l’occasion, stoppez aussi les grèves (elles se multiplient depuis l’été, à la poste, dans les transports, chez les dockers) et reportez la prochaine journée de Premier League. Un grand crêpe noir s’est abattu sur le Royaume-Uni et le pays se recueille. « Nos cœurs sont brisés », s’épanche le Daily Mail à la une ; « Nous vous aimions, M’dame », pleurniche le Sun. Et les témoignages se multiplient, identiques, d’anonymes ou pas, pleurant tous la perte d’une reine qui a « toujours été là ». De fait, ceux pour qui Elizabeth n’a pas toujours été là commencent à se faire sérieusement rares et à manquer de souffle pour éteindre leur 97e bougie. C’est une horloge comtoise (grandfather clock en VO et, en l’espèce, grandmother clock) qu’on aurait toujours connue dans un coin de la maison égrenant tranquillement les heures, une présence rassurante qui s’évanouit, une espèce de doudou dont on pensait qu’il ne nous laisserait jamais tomber.

C’est notre Lizzie tout craché, ça.