Anguilles sous cloche
Fin du monde. Chaque midi, « Les Jours » vous offrent une mauvaise nouvelle. Aujourd’hui, un poisson nous quitte.
En 1996, le groupe de rock Eels (« Anguilles ») demandait : « Est-ce que mon nom est sur la liste ? »
Plutôt deux fois qu’une
Anguilla anguilla, l’anguille d’Europe est officiellement en « danger critique d’extinction », selon la classification de l’Union internationale pour la conservation de la nature
On parle d’un effondrement de 90 % du stock par rapport au début des années 1980
Pour comprendre pourquoi, remontons le fil (fil, anguilles… vous l’avez ?)
Cette grande voyageuse parcourt des milliers de kilomètres entre sa naissance dans la mer des Sargasses, près des Bermudes, les rivières européennes une fois adulte et, enfin, l’océan Atlantique à nouveau, pour y frayer et mourir
En chemin, les obstacles ne manquent pas : pollutions diverses, surpêche et surtout fragmentation des écosystèmes
Les barrages sur les rivières se font de plus en plus nombreux, de plus en plus élevés, les zones humides disparaissent, l’artificialisation des sols progresse
Bref, rien qui ne favorise l’anguille, pourtant si douée pour passer de la mer au fleuve, du fleuve au marais…
Mais, selon les scientifiques, tous ces soucis n’expliquent pas complètement leur déclin
Et si le changement climatique y était pour quelque chose ?
Bingo, a répondu (pas tout à fait comme ça, d’accord) une équipe de l’université de Lisbonne
Dans leur étude publiée ce mercredi dans la revue Biology Letters, les chercheurs expliquent avoir placé en labo des larves d’anguille dans les conditions prévues pour la fin du siècle : une eau plus acide et plus chaude de 4 degrés
Résultats : l’acidité refroidit les ardeurs migratoires des bestioles… et la chaleur les tue !
En 2000, Eels chantait : « La cheminée crache de la suie dans le ciel ensoleillé (…) Bordel de Dieu, quelle belle journée »
On ne saurait mieux dire
À demain (si on tient jusque-là).