« Take Shelter », terreur sur la personne
Fin du monde. Chaque vendredi midi, « Les Jours » vous parlent effondrement et culture. Aujourd’hui, un film de Jeff Nichols.
Curtis LaForche est-il malade ou trop lucide ? Pendant toute la durée de Take Shelter, le spectateur se pose la question… et lui aussi
En attendant de trancher, il passe à l’action et agrandit son abri antitempête pour protéger sa famille, en bon père de famille, en bon ouvrier américain
C’est que Curtis craint une tornade à nulle autre pareille, se réveille transpirant de cauchemars intenses, multiplie les hallucinations
« J’ai peur que quelque chose arrive, quelque chose de mauvais », explique-t-il
Et pourtant tout va bien, mais tout est sur le fil, si fragile : sa fille née sourde en attente d’une opération, la crise économique comme une épée de Damoclès…
Femme, enfant, maison, travail, il a tout… Il peut donc tout perdre
Ça vous rappelle quelque chose ?
La superbe ambiguïté du deuxième long métrage de Jeff Nichols, sorti en 2012, est là : un propos universel caché dans le trouble d’une chronique familiale
Pour Curtis, la crainte de l’effondrement se transforme en angoisse puis en terreur face à l’altérité : le ciel est menaçant, le climat change, les oiseaux l’attaquent
Il met même à distance son chien, l’enferme derrière un grillage dérisoire…
La « nature » est tantôt violente tantôt attaquée, mais elle sans intentions, elle est, c’est tout
Pour le héros de Take Shelter, il est déjà trop tard : « La crainte clinique de l’effondrement est la crainte d’un effondrement qui a déjà été éprouvé », écrivait en 1971 Donald Winnicott
Bande-annonce :
À lundi (si on tient jusque-là).