Fauve qui peut au Mozambique
Fin du monde. Chaque midi, « Les Jours » vous offrent une mauvaise nouvelle. Aujourd’hui, des antilopes un peu trop seules.
Enlevez les proies et les prédateurs périclitent, on l’a vu
Mais si vous enlevez les prédateurs ?
Les proies d’hier pourraient devenir toutes-puissantes et modifier en profondeur leur environnement
Cet effet domino est plutôt simple à comprendre… mais parfois difficile à prouver, notamment avec les grands mammifères
Justine Atkins, doctorante en biologie à l’université de Princeton, aux États-Unis, a relevé le défi avec les guibs harnachés, des antilopes d’Afrique centrale et méridionale
Dans une étude publiée le 7 mars dernier dans la revue Science et relayée par le magazine américain Pacific Standard, elle décrit comment ces bestioles profitent au Mozambique de l’éradication des grands carnivores, due à la guerre civile (1977-1992)
Dans le parc national Gorongosa, des guibs harnachés audacieux sortent de leur zone de confort, sous le couvert des arbres, pour s’aventurer dans la plaine, où ils étaient autrefois chassés par les léopards, les lycaons, les hyènes et les lions
Conséquence de quoi, ils boulottent en toute quiétude des plantes peu prisées des autres herbivores de la plaine mais plus riches en protéines que celles des parties boisées…
Ce qui leur donne un avantage compétitif sur leurs congénères plus craintifs restés dans les zones couvertes
Justine Atkins a montré que, en disposant dans la plaine des excréments de lion et de l’urine de grands carnivores, et en diffusant des enregistrements de léopards, les antilopes retrouvaient, des années après, leur peur ancestrale… et retournaient sous les arbres
Preuve que les bouleversements de l’écosystème sont, au moins en partie, réversibles
Mais, malgré la réintroduction l’an dernier de 14 lycaons dans le parc, cette expérience ne correspond malheureusement pas à la réalité des superprédateurs dans le monde
À cause de la disparition de leurs proies donc, de la destruction de leur habitat, mais aussi du changement climatique, ils sont aujourd’hui globalement menacés, comme le documente la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature
À demain (si on tient jusque-là).