Dans l’espace

Céline Minard et l’extinction de l’espace

Fin du monde. Chaque vendredi midi, « Les Jours » vous parlent effondrement et culture. Aujourd’hui, deux romans de solitude.

Épisode n° 66
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Un accident dans l’espace ? Un·e astronaute seul·e en orbite ?

Ça vous fait penser à ça ? 

« Gravity »
Photo DR.

C’est normal, mais non, nous ne parlerons pas ici de Gravity, mais du roman de Céline Minard Le Dernier Monde, publié six ans avant le film d’Alfonso Cuarón

Quoique les deux aient une quête en commun : pour le personnage joué par Sandra Bullock comme pour l’astronaute Jaume Roiq Stevens, il s’agit de retrouver les humains

Mais la première sait qu’elle les rejoindra une fois sa promenade spatiale terminée ; le second, lui, les cherche désespérément… sur la Terre

Car le héros de Céline Minard, surentraîné, arrogant, misanthrope et rétif à l’autorité, a d’abord décidé de rester dans sa station spatiale à observer, lucide et blasé, les péripéties humaines : 

Mais une fois de retour au sol, devant l’évidence de la disparition de l’espèce humaine, il s’effondre… S’ensuit un rebond inespéré, un voyage à travers les continents, les civilisations et les différentes personnalités qui composent ce simple être humain, finalement

Céline Minard travaille la langue, ajoute des couches, en retire, gratte les matières, use du lyrisme comme de la punchline, et livre bien plus qu’un survival ou une ode attendue à la meeeeerveilleuse richesse des cultures humaines

Car l’autrice traque plutôt l’éthique chez Homo sapiens, ses règles de conduite, ses lignes de vie

Des questions qui traversent également un autre de ses romans, Le Grand Jeu : cette fois, l’héroïne a choisi de se couper du monde dans un chalet high-tech

Elle a tout prévu : les aliments de base, les outils pour construire un bassin à poissons, la marche dans les pierriers, même les moments où ne rien faire

Tout sauf l’inévitable rencontre avec l’altérité, animale d’abord : 

Humaine ensuite, avec une ermite hostile, sage, folle, soûlarde, libre, bien plus libre qu’elle :

Là encore, la langue est râpeuse, se contorsionne entre je, tu et nous, pour finalement se demander ce que signifie être soi et être au monde

À lundi (si on tient jusque-là).