«Le pays doit être d’autant plus aimé, d’autant mieux servi qu’il est plus malheureux. Consacrons nos forces à la conclusion rapide d’une paix qui ne sera acceptée que si elle est honorable. » S’il peut fondre en larmes sur le triste sort du pays, Adolphe Thiers garde le solennel grave. Sur quelles bases sont signés les préliminaires de l’accord d’armistice avec les Allemands ? Résumons la grandiose solennité : cession de l’Alsace, d’une grande partie de la Lorraine, avec Metz, payement de cinq milliards d’indemnité
Dans les faubourgs, dans les comités, ceux de la Garde nationale et ceux des délégations des sociétés ouvrières, la houle forcit : « S’opposera-t-on, oui ou non, par la force à l’entrée des Prussiens dans Paris ?, s’interroge Le Cri du peuple. Résistera-t-on à tout prix quand même la République devrait sombrer ? » ou bien « Le Parti socialiste doit-il réserver ses forces pour une meilleure occasion ? », écrit ce 1er mars Jules Vallès dans Le Cri du peuple. À la Bastille, les bataillons en rangs serrés, en ordre militaire, défilent toujours « autour de cette colonne qui domine la défaite et le deuil : sainte comme un tombeau, haute comme un phare, immobile comme un écueil. Et ce n’est pas le désespoir d’un équipage, à l’heure de la détresse, qui vient prier près du grand mât », écrit encore Vallès. Au pied du fût de bronze, les gerbes apportées font de grands tas piqués d’or et de rouge et, au faîte, derrière la balustrade, les clairons jouent quand une couronne est déposée. Sur les places, aux coins des rues, les bataillons ont établi à la hâte leurs bivouacs où réchauffe un ragoût, s’échangent les journaux, se font des discours crânes, des lignards sans officiers se groupent autour des marmites, le flingot à l’épaule, crosse en l’air. La police en rasant les murs s’est retirée dans ses geôles. Sous la menace prussienne, le pouls de Paris bat fort, veut battre libre. Un instant, le bruit court que 50 000 gardes nationaux se portent à la rencontre des uhlans prussiens, fausse alerte.
Dans les parcs d’artillerie des quartiers de l’ouest, des canons fondus par la souscription populaire attendent d’être livrés à l’ennemi.