Syamak Agha Babaei est médecin urgentiste à l’hôpital civil de Strasbourg. Pendant l’épidémie de coronavirus, il travaille à la régulation du Samu. Pour Les Jours, il revient sur un mois de crise sanitaire en Alsace. Entre fatigue et colère, le médecin dresse un tout premier bilan, à chaud, des difficultés mais aussi de ce qui fonctionne dans la lutte contre le Covid-19.
Plusieurs soignants de la région Grand-Est ont dit observer ces derniers jours un afflux de malades un peu moins dense, est-ce aussi votre sentiment ?
Depuis deux ou trois jours, nous avons en effet l’impression d’assister à une stabilisation des appels au Samu et des arrivées aux urgences. Attention, ce n’est qu’un ressenti pour l’instant. Il serait prématuré de parler d’un ralentissement ou d’un recul. Les données chiffrées mettent un peu de temps à être agrégées. Et quoiqu’il en soit, nous sommes toujours dans une situation très difficile car, depuis un mois, de nombreux cas graves sont arrivés. Beaucoup plus que ce que nous imaginions au départ. Tout a été mis en œuvre pour affronter la vague de contaminations. L’urgence a pris le dessus sur le reste, tout l’hôpital s’est réorganisé en ce sens. Cela a fonctionné dans un premier temps mais maintenant, il faut tenir sur la longueur.
Un mois après le début de la crise, comment vont les équipes ?
C’est compliqué… La fatigue est là. On voit beaucoup de collègues tomber malades. Je n’ai pas de cas grave dans mon entourage professionnel proche mais il y en a plusieurs parmi le personnel médical. Cette crise nous installe dans une sorte de routine. Ce sont les mêmes symptômes, les mêmes diagnostics, les mêmes examens, frottis ou scanners. La prise en charge est beaucoup plus stéréotypée que d’habitude. C’est usant. On porte un masque en permanence, on respire mal. Ça fatigue aussi. Nous espérons tous entrevoir le bout du tunnel. On a parfois l’impression d’évoluer dans un mauvais film, qui est finalement devenu notre normalité. Pour combien de temps ? Quand est-ce que ça va finir ? Il n’y a pas de réel moment de décompression. Et une fois rentré chez nous, nous vivons dans la crainte de contaminer les membres de notre famille.
J’ai fait mes premiers pas comme régulateur du Samu, qui est un métier très difficile. Il faut juger en quelques minutes, au téléphone, de la gravité ou non de la situation.
Comment le Samu s’est-il organisé face à la multiplication des appels en urgence ?
Un plateau spécifique a été ouvert, dédié entièrement au Covid-19. Il est doté d’une équipe de médecins confirmés, renforcée par des internes, des infirmières et des étudiants qui ont tous été formés.