Réuni depuis le mercredi 25 mars, le Comité analyse recherche et expertise (Care) rassemblé par l’Élysée doit, entre autres (lire l’épisode 21, « La com grippée du pouvoir »), se prononcer sur le déploiement d’une « stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées » par le coronavirus, selon sa présidente, la prix Nobel de médecine Françoise Barré-Sinoussi. L’objectif est aussi vaste que flou, en attendant une communication plus dense sur le sujet qui est attendue dans les jours à venir. Questionné sur le sujet mercredi 1er avril par la commission d’information sur l’épidémie de l’Assemblée nationale, le Premier ministre Édouard Philippe a évoqué la piste d’une application permettant de suivre « les déplacements et les rencontres » des citoyens et donc la propagation du virus : « On pourrait peut-être, et je dis bien peut-être, sur le fondement d’un engagement volontaire, utiliser ces méthodes », a-t-il dit. On en est là aujourd’hui.
La France s’inscrit ici dans un mouvement mondial qui regarde vers l’Asie, où plusieurs gouvernements ont choisi la voie de la technologie pour limiter la propagation du Sars-CoV-2 ou carrément surveiller leurs habitants confinés. À Singapour (lire l’épisode 19, « “Le gouvernement appelle tous les jours pour savoir si tu es chez toi” » ), l’appli TraceTogether propose d’alerter les citoyens s’ils ont été en contact avec un patient Covid+. En Corée du Sud, toutes les personnes entrant sur le territoire doivent télécharger une application sur laquelle elles devront, chaque matin, lister leurs symptômes pendant les 14 jours de leur quarantaine obligatoire (lire l’épisode 35, « “J’utilise une appli où il y a une carte des personnes infectées” »). Autant de dispositifs très intrusifs rendus possibles par des lois et une culture bien moins soucieuses du respect de la vie privée des citoyens qu’en Europe. Mais, à chaque fois, ces outils, couplés à une politique de tests systématiques (lire l’épisode 34, « La France échoue au crache-tests »), ont permis d’enrayer l’épidémie et de ne pas faire exploser le système médical, sans pour autant verser dans la surveillance totale mise en place en Chine (lire l’épisode 22, « Je reviens de Wuhan »).
Durement touchée par une crise sanitaire historique, l’Europe regarde donc ces solutions technologiques, mais bien plus timidement.