Y’ a comme un goût de gêne quand on marche dans la ville. C’est l’écart qu’on fait pour laisser le mètre réglementaire entre soi et ses congénères. C’est s’apercevoir qu’il ne reste plus, au rayon des œufs du Carrefour City d’à côté, qu’une boîte à 6,99 euros. C’est ces queues partout pour entrer dans les magasins encore ouverts ; c’est ces gens entassés les uns sur les autres qu’on filtre à l’entrée d’un Leclerc ou ceux-là qui achètent des baguettes par dix, c’est cette femme qui pleure parce qu’elle doit ôter ses gants pour taper son numéro de carte bancaire. C’est le regard embarrassé de ce voisin d’en dessous qui entasse enfant et valises dans un camping-car direction ailleurs. Ce sont ces gares parisiennes bondées un lundi dont les trains vont embarquer de véritables bouillons de culture. Un exode sans guerre, une guerre sans ennemi sinon le temps qu’il faut freiner, retarder, repousser. Il y a cinq jours, autant dire un siècle, Emmanuel Macron annonçait la fermeture des écoles et conseillait aux personnes de plus de 70 ans de rester chez elles. Ce lundi, le président de la République l’a dit non pas une, mais six fois : « Nous sommes en guerre. »
La phrase est forte, qui fait un écho bien compris à celle de son prédécesseur François Hollande, la même, prononcée au congrès réuni à Versailles après les attentats de novembre 2015. La guerre de Macron commence par une reddition. Il dépose les armes :