C’est un message qui circule beaucoup parmi les médecins et dont Les Jours vous parlaient dans l’épisode précédent d’En quarantaine. Il est signé de Marc Noizet et Yannick Gottwalles, chefs des urgences de Mulhouse et Colmar, c’est-à-dire la région de France la plus touchée par le coronavirus. Ils alertent sur la saturation des hôpitaux dans l’Est de la France, qui pourrait mener au scénario du pire que connaît déjà l’Italie : le tri des patients pour privilégier ceux qui ont le plus de chances d’être sauvés. Les mieux portants et les plus jeunes au détriment des plus âgés. Témoignage du docteur Yannick Gottwalles, chef du pôle urgences de l’hôpital de Colmar.
Dans quel but avez-vous fait ce message où vous dites qu’« il y avait un avant Covid-19, il y aura un après Covid-19 avec de très lourdes cicatrices » et pour qui ?
Le contexte, c’est le retour d’expérience des premiers centres, nous avons mis ce message sur le site du Samu urgences de France et il a ensuite beaucoup circulé entre collègues. L’objectif, c’est de prévenir nos collègues. On ne s’attend pas à l’ampleur et à la propagation de l’épidémie : vous avez quelques jours pour vous préparer. Sans vouloir être alarmiste, les éléments factuels montrent que nous sommes dépassés par les événements.
Le plan blanc a été déclenché chez vous le 11 mars, est-il déjà obsolète ?
Avant même le déclenchement du plan blanc, on était en phase de réorganisation des urgences, un renfort en personnel, des lits de réa supplémentaires, une cellule de crise… Ce qu’on a voulu souligner, c’est que quelle que soit votre vision, aussi pessimiste qu’elle soit, toutes les décisions prises sont déjà obsolètes douze heures plus tard. Il y a eu une mise en place d’une unité de 15 lits, normalement ça permet de tenir trois à quatre jours, elle a tenu une journée ! Dans le secteur conventionnel, hors réa, on est passés de 15, puis 30, puis 60, puis 90 lits en l’espace d’une semaine.
Combien avez-vous de cas de patients Covid-19 à Colmar ?
Hier, on avait 26 patients en réa Covid+ tous ventilés, 62 patients dans les secteurs conventionnels plus 20 aux urgences, sans compter un certain nombre en attente de résultat. En réa de 30 en temps normal, on est passé à 40, 50 puis 60.
Et combien de morts ?
Je ne peux pas vous dire, les chiffres ne sont pas fiables, il y a des patients qui sont morts et qui n’avaient surement pas été détectés.
Dans votre texte, vous dites que les urgences « ont l’habitude de travailler dans ces conditions dégradées », mais là que « là, nous sommes dans le dégradé du dégradé du dégradé »…