Même en temps de crise sanitaire, les réflexes des ultra et néolibéraux ont la vie dure. Le 10 avril dernier, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, envisageait très sérieusement la suppression – ou la diminution – des congés payés après le confinement. Avant de remettre sa proposition dans sa culotte devant le tollé des organisations syndicales. Quelques jours plus tard, le 19 avril, la provocation est venue du gouverneur de la Banque de France, dans Le Journal du dimanche. «La France va sortir de ce choc avec une dette publique accrue d’au moins 15 points de PIB, à 115 %. Dans la durée, il faudra rembourser cet argent», a menacé François Villeroy de Galhau. Avertissement qu’il a répété sur BFM ce jeudi. Travailler plus, payer nos dettes en se serrant la ceinture… Cette petite musique, vous l’entendez ? Comme si nous, les Français, étions d’indécrottables cigales qui nous prélassions lors de cette pandémie de coronavirus grâce à l’argent public et à qui il va falloir faire payer cette inconséquence une fois l’hiver du déconfinement venu.
Ce discours doloriste est, certes, insupportable – en quoi la population qui a interdiction de travailler serait-elle responsable de cette situation ? –, mais il est intéressant par ce qu’il révèle. À savoir l’ébahissement de beaucoup devant ce que la crise démontre : il est possible de ne payer à ne rien faire des millions de Français (9,6 millions de personnes sont actuellement au chômage partiel, selon le gouvernement), et ce pendant deux mois, sans que le sol ne se dérobe sous nos pieds ! Plus sérieusement, la situation actuelle montre que les règles économiques que brandissent sans arrêt les économistes libéraux n’ont rien de scientifique et que, à condition d’en avoir la volonté politique, l’« argent magique » – pour reprendre le mot d’Emmanuel Macron –, cela existe. Malgré un niveau d’endettement considéré comme élevé, un pays comme la France peut choisir d’emprunter encore plus sans aucune difficulté. Expliquons ce mystère.
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France
— Photo Julien Muguet/Hans Lucas.
Depuis des années, nous vivons avec deux plafonds de verre : le déficit et la dette. Selon les critères de convergence de Maastricht, décidés au début des années 1990, il faudrait que le premier ne dépasse pas le ratio de 3 % du produit intérieur brut ; la seconde, les 60 % de PIB.