S’il restait dans la salle quelques naïfs s’attendant à voir le lundi 11 mai tourner à une espèce de maousse orgie, leurs espoirs auront été vite douchés par Édouard Philippe. Montant à la tribune de l’Assemblée nationale à l’invite de son onctueux président Richard Ferrand (« La séance de ce jour est ouverte, ouverte aux espoirs… »), le Premier ministre a commencé par quelques gorgées d’eau. « Voilà donc le moment où nous devons dire à la France comment la vie va reprendre », a-t-il entamé, comme une voix off de son propre discours alors que, depuis des jours et des jours, chaque annonce gouvernementale, ou presque, est démentie par l’Élysée et vice versa, alors que le flou et les loups cohabitent dans la bouche du pouvoir. « Reprendre », c’est vite dit. « La vie », faut voir. Philosophie générale : « Un peu trop d’insouciance et c’est l’épidémie qui repart ; un peu trop de prudence et c’est l’économie qui s’enfonce. » Une « ligne de crête », a décrit l’équilibriste Philippe qui, en un discours d’à peine plus d’une heure et presque 50 000 signes, a donné sa méthode pour « rétablir un régime de liberté dans lequel nous devons fixer des exceptions ». Le fameux « en même temps ».
Ainsi, ce n’est pas en même temps que le pays se déconfinera le 11 mai. Tout le plan de sortie de quarantaine présenté par le Premier ministre s’appliquera en effet « progressivement », département par département, dont le directeur général de la santé Jérôme Salomon annoncera désormais chaque soir la couleur, en même temps qu’il présente les derniers chiffres de l’épidémie : rouge pour une circulation élevée du coronavirus dans tel département, vert pour une circulation limitée dans tel autre. Un façon de partager ou de refourguer la décision aux maires et aux préfets. Sans les préciser quantitativement, Édouard Philippe a déroulé les trois critères faisant passer un département du rouge au vert : le nombre de contaminations sur les sept derniers jours, les capacités régionales en lits de réanimation et l’efficience du système de détection des personnes atteintes. Mais il a tout de même donné un chiffre, celui de 3 000 contaminations par jour au 11 mai (dernier chiffre, celui du lundi 27 avril : 3 764 nouveaux cas déclarés en 24 heures). Assorti de cet avertissement :