Rémi Lefebvre est professeur de science politique à l’université de Lille et auteur, notamment, de Faut-il désespérer de la gauche ? (Éditions Textuel, 2022). Pour Les Jours, il tire les leçons de la présidentielle, analyse la défiance croissante à l’égard du vote et les chances de la gauche de peser, malgré tout, lors des législatives à venir.
À peine Emmanuel Macron réélu, sa légitimité est déjà contestée. Comment expliquer cette défiance qui se poursuit jusqu’après le verdict des urnes ?
Une étape a encore été franchie dans la démonétisation de l’élection présidentielle. Cette élection dévorante, qui tend à tout aimanter et a avalé les législatives, ne produit plus de verdict à la hauteur de sa centralité. Elle intéresse de moins en moins. Le débat pendant la campagne est de plus en plus de piètre qualité. Les émissions politiques n’ont pas passionné, au premier rang desquelles le débat d’entre-deux-tours. Nous sommes déjà sur la campagne des législatives, sans aucun temps de latence, comme s’il n’y avait pas eu de verdict. Cette élection présidentielle ne tranche rien, ne purge rien. La place prise par l’Ukraine et le Covid pendant la présidentielle n’explique pas tout. Le malaise démocratique et institutionnel est profond.

Faut-il revenir à un septennat comme cela a été évoqué par Emmanuel Macron et Marine Le Pen dans l’entre-deux-tours ?
Lorsqu’il était en vigueur, le septennat était jugé trop long. Mais il présente l’avantage de découpler la présidentielle des législatives. A minima, il serait possible, dans le cadre du quinquennat, d’organiser les deux élections le même jour. Cela permettrait de supprimer le très long cycle de quatre scrutins en deux mois et, surtout, de réhabiliter le pouvoir des députés. Cela permettrait aussi de redonner du souffle et de l’oxygène aux partis politiques. En 2022, il est frappant de voir que les trois candidats arrivés en tête au soir du premier tour étaient portés par des partis personnels. Il est urgent de renouer avec le réformisme institutionnel pour déverrouiller cette élection à bout de souffle. Sans forcément changer le mode de scrutin au suffrage universel direct, qui humanise l’élection et permet d’incarner la politique.
Pour gouverner autrement, et instaurer une nouvelle méthode, comme il l’a promis au soir du second tour, Emmanuel Macron devra se faire violence.
Le scrutin au suffrage universel direct est aussi mobilisateur. En 2022, la participation à la présidentielle ne s’est pas effondrée…
En effet, même si l’abstention est en hausse, 75 % des inscrits sont quand même allés voter. Mais il existe une tendance structurelle, qui traverse les