
Macron-Le Pen : un air de débat vu
L’un sentencieux et techno, l’autre toujours aussi laborieuse et dangereuse, le tout enrobé d’une courtoisie factice : le récit du débat en replay.
Dans tout panthéon télévisuel digne de ce nom, il figure quelque part entre l’élection de Miss France et l’Eurovision : le débat d’entre-deux-tours. Sa rareté joue pour lui : en soixante-quatre ans de Ve République, c’est la huitième fois seulement qu’il se tient : il a ses piliers de comptoir (trois éditions pour François Mitterrand, un pour la lose, deux pour la win) et ses détestables habitudes, les femmes s’y comptant sur les doigts d’une main salement amputée (elles sont trois, dont deux Marine Le Pen, ce qui n’est pas une bonne nouvelle). Celui-ci, qui s’est tenu ce mercredi soir jusqu’à 23 h 49, a dû faire bizarre à qui s’est enfermé dans une grotte au soir du précédent, le 4 mai 2017 : hein ? Macron et Le Pen ? Encore ? Eh bien oui, ami troglodyte, en cinq ans, on n’a rien appris et on a remis ça au premier tour, avec un Emmanuel Macron à 27,85 % des suffrages, une Marine Le Pen à 23,15 % et, entre les deux, une énorme abstention à 26,31 % (lire l’épisode 1, « Ça marche encore »).
Et eux, ont-ils appris en cinq ans ? Macron était passé à peu près crème (oui, on utilisait cette expression en 2017) tandis que Le Pen s’était montrée sous son meilleur jour : agressive, paumée, fouillant ses fiches pour trouver des réponses, ricanante, gesticulante (à lire dans notre série de 2017, Marche ou crève, le récit de ce débat). Image qu’elle s’est employée à changer à coup de chatons mignons et de construction laborieuse de stature de femme d’État (c’est son affiche où ne figurent ni son nom de famille ni son parti, ses deux boulets) avec la complicité active d’Éric Zemmour à côté de qui Belzébuth passerait pour un mignon angelot.
Histoire de varier sinon les plaisirs du moins les journalistes, c’est un nouveau duo qui s’y est collé, Gilles Bouleau et Léa Salamé, une première pour chacun d’eux, désignée par leur employeur respectif, TF1 et France 2, dans une habituelle tambouillle politico-médiatique : Anne-Sophie Lapix, alter ego publique de Bouleau, ayant été écartée, jugée trop incisive par Marine Le Pen (il y a cinq ans c’est Anne-Claire Coudray qui avait subi le même sort).