Épidémiologiste et biostatisticienne française, Catherine Hill suit l’évolution de l’épidémie de Covid-19 de près. À partir de données actualisées très régulièrement, elle analyse pour Les Jours les (importantes) carences de la stratégie de dépistage française. Selon elle, en attendant le déploiement du vaccin, il faudrait tester beaucoup plus massivement pour freiner la diffusion du virus, accélérée par l’arrivée du variant britannique. Scientifique indépendante et engagée, Catherine Hill a notamment participé, grâce à ses travaux, à lancer l’alerte dans l’affaire du Mediator, en soutien d’Irène Frachon
Le virus continue à circuler à des niveaux élevés en France, même si le nombre de nouveaux cas positifs quotidiens semble stable. Enrayer l’épidémie est-il envisageable ?
Attention aux indicateurs, le nombre de cas positifs dépend du nombre de personnes testées. Il ne permet pas d’estimer la fréquence du virus dans la population. Le problème est que nous ne nous sommes pas donné les moyens d’enrayer la diffusion de l’épidémie. La stratégie de dépistage est inadaptée. On dépiste les personnes symptomatiques, puis leurs cas contacts. Or les études sur la diffusion du virus sur le porte-avions Charles-de-Gaulle ou sur le fameux navire Diamond Princess, mais aussi d’autres études sur des prisonniers de l’Arkansas, des centres d’hébergement de SDF à Boston ou Los Angeles ou encore sur la population islandaise, ont toutes montré une proportion d’asymptomatiques supérieure à 45 %. Donc beaucoup de cas ne sont ni testés ni isolés. C’est ainsi que le virus circule.

Ces derniers jours, le gouvernement s’est félicité d’un nombre élevé de tests sur le sol français, comparativement à ce qui se passe chez nos voisins européens…
Oui, mais les tests autour des fêtes visaient à se rassurer avant d’aller passer du temps en famille. Ce n’est pas inutile mais c’est une stratégie inefficace. Et même une absence de stratégie. Nous savons que les contaminations sont très rapides. Elles ont lieu avant même les premiers symptômes. À Taïwan, une étude a montré que le risque de transmission est important pendant dix jours : quatre jours avant les symptômes et six jours après. Si nous ne testons qu’à l’apparition des premiers symptômes, c’est déjà trop tard, beaucoup de personnes sont déjà infectées.