David Cayla est économiste et maître de conférences à l’université d’Angers. Auteur, entre autres, de L’Économie du réel, qui discute l’efficacité supposée des marchés, il appartient au mouvement des Économistes atterrés, qui développent une pensée économique alternative face aux théories libérales dominantes. Alors que Radio France a noué un partenariat avec le Cercle des économistes et va lui ouvrir les portes de la Maison-Ronde et ses antennes, du 3 au 5 juillet, en remplacement des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, annulées cette année pour cause de crise sanitaire, Les Jours ont choisi de s’associer à une initiative conjointe du collectif Les Déconnomistes et de plusieurs médias indépendants visant à distiller du pluralisme dans l’espace public en donnant la parole à des économistes hétérodoxes.
Pour Les Jours, David Cayla analyse l’ampleur de la crise post-Covid, les premières réponses apportées par Emmanuel Macron et le gouvernement, ainsi que le poids des dogmes néolibéraux qui freinent l’action de l’État, notamment en matière de réindustrialisation.
En ce début juillet, la crise sanitaire est moins forte mais les effets de la crise économique commencent à se faire sentir. Quelle ampleur peut-elle prendre ?
Cette crise est majeure car elle chamboule profondément l’ensemble de l’activité économique. Certains secteurs sont très touchés, comme le tourisme, l’industrie ou encore le pétrole… Il faut en attendre des changements durables dans le comportement des entreprises et des ménages, ainsi que dans le rôle de l’État et des institutions. On va rebattre les cartes et précisément, les rééquilibrages, la transformation du système, sont caractéristiques d’une crise. Je ne suis pas sûr qu’on aboutisse à un monde profondément différent de celui d’avant, mais ces ajustements vont s’inscrire dans le temps. Ce n’est pas juste une histoire de baisse et de hausse du PIB. D’ailleurs, il n’est pas certain que nous arrivions à retrouver le niveau de croissance d’avant l’épidémie. On ne le voit pas encore mais le secteur bancaire, qui est en bout de chaîne, va être très touché lui aussi : beaucoup d’entreprises vont faire faillite dans tous les pays du monde, une part de la dette du secteur privé ne sera donc pas remboursée. L’incertitude liée à l’évolution de l’épidémie décourage l’investissement. Et la hausse du chômage va freiner la demande. Le risque d’entrer dans une dépression, un cycle de récession auto-entretenue, est important.

La dette des États explose depuis le début de la crise sanitaire. Elle est souvent mise en avant pour justifier les politiques d’austérité : cette hausse brutale est-elle inquiétante ?