Le 26 janvier dernier, afin de rassurer les Français qui s’inquiètent de l’épidémie de coronavirus en Chine, Agnès Buzyn assure lors d’un point presse que la France possède des « dizaines de millions de masques en stock en cas d’épidémie ». Et ajoute que, « si un jour [on devait] proposer à telle ou telle population ou personnes à risque de porter des masques, les autorités sanitaires distribueraient ces masques aux personnes qui en auraient besoin ». La ministre de la Santé sait-elle alors qu’elle dit un gros mensonge ? Quelques jours plus tard en tout cas, son comportement change du tout au tout : elle lance en catastrophe deux commandes de masques FFP2 (un million le 30 janvier, puis 28 millions le 7 février). Mais il est trop tard : le Covid-19 touche justement la région de Wuhan, centre de production des masques. Les produits n’arriveront pas à temps de Chine pour équiper les personnels de santé lorsque la pandémie frappera la France. Et, pendant toute la crise, le gouvernement sera obligé de prétendre que les masques n’ont pas d’utilité pour le grand public.
La vérité, c’est qu’au 26 janvier le pays n’était pas du tout prêt à faire face à une épidémie de type grippale. À cause de décisions prises sous François Hollande, mais surtout parce que la ministre de la Santé d’Emmanuel Macron a laissé tomber la politique de protection maximale qui avait été pensée en 2009-2010 (lire l’épisode 22, « Pénurie de masques : aux origines d’un scandale d’État »). C’est ce qui ressort des auditions menées par la commission d’enquête parlementaire débutée le 16 juin, qui permettent de poursuivre notre récit sur la série de décisions aberrantes qui ont été prises ces dernières années.

En 2017, quand Agnès Buzyn est nommée, l’État dispose de 750 millions de masques chirurgicaux. Comme on l’a vu, le gouvernement précédent a choisi de ne plus conserver de masques FFP2, mais il n’a pas pour autant abandonné l’idée de conserver un stock stratégique très important. La preuve, Marisol Touraine, ministre de la Santé de 2012 à 2017, passe une commande en 2013, faisant rentrer 100 millions de masques chirurgicaux les années suivantes. Et un nouveau centre d’entreposage est construit en 2014, à Vitry-le-François (Marne), offrant, selon Benoît Vallet, directeur général de la santé de 2013 à 2017, « toutes les garanties de température et d’hygrométrie », et permettant « de réaliser un inventaire de façon récurrente et une évaluation à partir d’un échantillonnage ».